Un cylindre de carton en provenance du ministère de l’Intérieur. Quand je l’ai reçu au JDD , je me suis interrogé. Quand j’en ai extrait le contenu je suis tombé de ma chaise. Une sorte de parchemin d’un pays où je n’avais jamais mis les pieds et qui me faisait chevalier de l’Ordre national, mon nom étant calligraphié en grosses lettres gothiques. J’ai d’abord cru à un gag. Puis j’ai appelé l’attaché de presse du ministre de l’Intérieur à l’accent pastissé qui me l’avait envoyé. -          C’est quoi ce truc ? -          Je l’ai retrouvé en faisant mes cartons (le ministre quittait le gouvernement). -          Mais pourquoi cette médaille d’un pays que je ne connais même pas ? -          Tu te souviens pas que tu devais venir avec nous pour une tournée sur ce « continent ami de la France » et que tu t’es décommandé la veille du départ ? -          Oui, peut être… -          Eh bien quand nous sommes arrivés là-bas le ministre a été fait commandeur de l’Ordre national, les membres du cabinet officiers et les journalistes chevaliers. Je t’avais rapporté ton « diplôume ». Voilà.              Depuis, mon « diplôume » trône dans mes toilettes avec la signature d’un dictateur qui me jugeait digne d’être son chevalier servant… Je confesse que pendant mes études j’ai reçu quelques prix de bonne camaraderie, et un ou deux accessits en éducation physique. La seule médaille que j’aurais pu demander, celle du travail, j’ai préféré la décliner. Comme me le fit observer un ami : «  37 ans sans un jour de chômage, à cette époque, y a pas de quoi se vanter !  » J’ai renoncé donc à la seule médaille que mon père a jamais portée. Dommage j’aurais pu refiler la prime à une association de chômeurs.             Pourquoi ces considérations médaillères ? Parce que deux des mes anciennes consœurs journalistes viennent de refuser la Légion d’honneur. Affaire d’indépendance ? Leur geste a fait en tout cas quelque bruit. Quand Didier Barbelivien, Pascal Nègre, la juge qui a procédé au divorce de Nicolas et Cécilia l’ont accepté, les deux journalistes ont sans doute considéré que leurs mérites n’égalaient pas ceux d’aussi nobles personnages. Dans le passé La Fayette, Maupassant, Nerval, Camus, Prévert, mon cher Bernard Clavel, les Curie et Courbet (le peintre pas l’animateur de France 2) en avaient fait autant, alors … Ce dernier, rappelait Edwy Plenel dans Mediapart , l’a refusé avec fracas : «  Si le hasard vous appelait à la foire d'Ornans, vous observeriez que tous les plus beaux moutons de la foire sont marqués d'un coup de craie rouge sur le dos. Les gens naïfs et bien intentionnés qui ignorent les lois de l'agriculture et des arts s'imaginent, dans leur simplicité et leur candeur pastorale, que c'est un hommage qu'on rend à leur beauté. Mais, hélas! Ils ne savent pas que le boucher les a marqués pour les tuer!!!!  »               Gracq a refusé le Goncourt en 1951, Sartre le Nobel en 1964 en affirmant : «  Aucun homme ne mérite d’être consacré de son vivant.  » Chacun fait comme il veut, bien sûr, mais comment peut-on s’estimer digne d’honneur, fut-on journaliste politique, au point de rejoindre cette Légion ? Un ami, journaliste, saluait chaque nomination d’un confrère dans cet ordre d’un sonnant : «  Encore un confrère perdu pour la profession !  »

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