"J’aurais dû naître à Broglie, en Normandie, dans le château ancestral", s’amuse Louis Albert de Broglie. De cette massive bâtisse du XVIIIe siècle, il aimerait faire un jour une fondation. Encore une de ces idées dont il fourmille. Parfois, on peine à le suivre. Il saute du coq à l’âne, parle à la vitesse d’une mitrailleuse à balles de tennis. Mais c’est le propre des visionnaires.
Toute proportion gardée, Galilée ou Léonard de Vinci (mort au clos Lucé, voisin du château de La Bourdaisière où le prince jardinier a créé le Conservatoire national de la tomate), deux Italiens comme le Broglia d’origine - un Piémontais entré au service de la France sous Louis XIV, premier d’une famille de maréchaux, hommes d’Etat, scientifiques, et-ou académiciens -, devaient être aussi coton à canaliser.
Ses initiales, LAB, font penser à "laboratoire". Aux antipodes des clichés sur les aristos "fin de race", Louis Albert de Broglie est un entrepreneur (une trentaine de salariés, 5 millions de CA), et un think tank à lui tout seul. Il est l’apôtre d’un monde nouveau entièrement connecté, responsable, équitable, écologique, dont l’illustre Deyrolle, taxidermiste mais aussi pédagogue depuis sa création en 1831, est à la fois le fondement scientifique et le hub. "Les nouveaux métiers de Deyrolle, classée Entreprise du patrimoine vivant, et dernière institution de ce genre dans le monde, concernent la préservation et la transmission du vivant", dit-il. Il a racheté la maison fin 2000, dans des circonstances rocambolesques, lui, l’ancien banquier d’affaires complètement transformé par un long séjour en Inde, en 1981. Il y est souvent retourné depuis mais ne se prend pas pour un gourou. "Je déteste les concepts ésotériques", explique-t-il. Si ce prince-là vit les pieds nus, il les a bien sur terre. Une terre qu’il veut contribuer à sauvegarder. En 2015, il a publié Deyrolle pour l’avenir : redessiner le monde (Hoëbeke), un album inspiré des recueils de planches de "leçons de choses" des XIXe et XXe siècles, mais sur des thèmes contemporains, en partenariat officiel avec la COP 21.
Transmettre
Le credo de Louis Albert de Broglie, qu’il égraine comme un mantra, c’est "observer, comprendre, apprendre, rêver, s’émerveiller, préserver et transmettre pour l’avenir". Aujourd’hui, il publie un petit livre élégant, sous coffret, dans une collection, "Styles et design", qui a déjà célébré Versailles ou Vaux-le-Vicomte, sur Deyrolle, considéré comme "un cabinet de curiosités parisien". Le patrimoine, toujours. Mais, en même temps, il veille sur trois chantiers pharaoniques de villes du futur à Chengdu, au Portugal et à côté de Versailles. Des projets qu’il dessine sur des petits carnets qui ne le quittent jamais. Cet homme, qui travaille tout le temps sans en donner l’impression, a encore plein de livres en préparation, notamment un sur les archives de Deyrolle, "son ADN".
Jean-Claude Perrier
Deyrolle, un cabinet de curiosités parisien, de Louis Albert de Broglie, Flammarion, avec Emmanuelle Polle, photographies de Francis Hammond. Prix : 29,90 euros, 224 p. Sortie : 11 octobre. ISBN : 978-2-08-141592-8