La France, pourtant l’un de ses pays préférés, ne l’a pas encore tout à fait adopté. Mais dans son pays natal, les Etats-Unis, où chacun de ses livres est un événement, David Sedaris est une star. Il est le digne descendant des maîtres de l’humour que furent les James Thurber et autres Robert Benchley. Cet esprit somme toute très "côte Est", qui se refuse aux facilités de la fiction pour le seul bénéfice des "choses vues", d’un regard oblique porté sur le monde (au moins, sur le sien), fait tout le prix de cette œuvre désenchantée et amusée.
C’est ce ton, porté à son pinacle, que retrouveront ou découvriront les lecteurs du Hibou dans tous ses états, suite de chroniques, récits et souvenirs qui forment comme une autobiographie parcellaire et flâneuse. Dans ces vingt-six textes et autant de propositions paradoxales, on se demandera, entre autres, pourquoi les dentistes français sont si spéciaux, si la viande à hamburger convient aux tortues de mer, comment faire cohabiter une grand-mère grecque avec sa petite amie noire de 11 ans pesant plus d’un quintal, comment supporter que votre propre père s’entiche d’un de vos camarades de classe champion de natation et où trouver un hibou empaillé à offrir pour la Saint-Valentin. Rien que des questions toutes simples que chacun peut être amené à se poser un jour ou l’autre.
En fait, ce qui peut apparaître en ces pages comme un usage du seul non-sens obéit plutôt à une logique, une logique torve réinventée au quotidien par la délicieuse ironie de Sedaris. Dans ce livre, il n’y a pas que le hibou qui est dans tous ses états. L’auteur aussi et subséquemment le lecteur. De quoi ça parle, s’enquiert celui-ci, inquiet? Précisément, de tout, d’un peu tout et de presque rien. Le monde comme il va, comme il ne va plus, et comment vivre à l’intérieur. Réponse: comme un enfant, qui n’a pas (plus) peur de rien et a hâte de tout. O. M.