Du bilan annuel des meilleures ventes de livres, on retiendra d'abord que, sur tous les segments à l'exception du poche, du poche jeunesse et de l'illustré pour la jeunesse, elles sont sensiblement moins importantes qu'en 2017, en nombre d'exemplaires comme en valeur. Soulignant la frilosité du marché, le poche et les long-sellers dominent le top 50, tous genres confondus. Seules deux nouveautés récompensées par l'un des grands prix littéraires d'automne, en l'occurrence le Goncourt et le Femina, parviennent à émerger. Comme l'an dernier, le secteur de la bande dessinée, pourtant l'un des plus dynamiques de l'édition, ne parvient à propulser que 5 titres parmi les 50 meilleures ventes de l'année.

Mauvais signe ? Certainement, et ce même si la contraction de l'ensemble du marché du livre en 2018 est en réalité très largement inférieure à la baisse des performances des titres les plus vendus. Mais curieusement, cet affaiblissement des locomotives du marché, qui soutiennent moins l'activité que par le passé, ne correspond pas à un repli élitiste sur la frange la plus motivée des lecteurs et les ouvrages les plus exigeants. Le succès du poche, des auteurs grand public et des valeurs confirmées sur la durée traduit au contraire une extension du lectorat, qui impose toujours plus le livre comme un produit populaire.

Les pessimistes verront dans cette mutation amorcée de longue date la marque d'un affaiblissement du livre, d'une réduction de son pouvoir de stimulation voire de subversion intellectuelle. La recomposition du public du livre, plus nombreux même s'il lit tendanciellement moins d'ouvrages chaque année, offre pourtant de multiples opportunités de réinventer et de mettre en scène la production éditoriale, de rapprocher la création des lecteurs qui, pour prudents qu'ils soient, présentent l'avantage d'afficher une familiarité croissante avec un produit aujourd'hui banalisé.

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