Série d'été anniversaire

Pika Édition : 25 ans de best-sellers

25 ans de mangas dans les bureaux de Pika - Photo Antoine Masset

Pika Édition : 25 ans de best-sellers

Pendant tout l’été, Livres Hebdo consacre une série hebdomadaire d’articles aux anniversaires d’acteurs du monde de l’édition. Avec 25 ans d'activité au compteur, Pika, maison spécialisée dans le manga, affiche une dynamique florissante, portée par de gros best-sellers, une diversification et un sens aiguisé de l'anticipation dans un marché pourtant en pleine transformation.

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Par Antoine Masset
Créé le 06.08.2025 à 10h53

L’aventure a démarré dans les années 2000, à l'initiative de Média Système Édition (MSE). La société, qui éditait à l’époque le magazine français Player One, entend investir le Japon. Elle troque alors la presse de jeu vidéo contre celle du manga, pour créer la revue de prépublication Manga Player, inspiré du modèle nippon Weekly Shōnen Jump ; chacune de ses séries sont d’abord publiées chapitre par chapitre, avant d’être rassemblées dans des volumes, réunis sous le label « Manga Player ». Mais à mesure que le manga gagne en puissance en France, ce mode de publication montre ses limites. Le magazine cède alors sa place à une véritable maison d’édition : Pika Édition.

Le catalogue s’ouvre d’abord sur Cardcaptor Sakura, un shōjo conçu par Clamp - un collectif de mangakas exclusivement féminines, édité au Japon de 1996 à 2000. Arrive ensuite un florilège de premiers succès aux genres hétéroclites : GTO de Tōru Fujisawa (2001), Love Hina de Ken Akamatsu l'année suivante... 

D’un succès à l’autre

« La spécificité de Pika est d'avoir eu, dès le départ, une offre très généraliste et très éclectique », explique Mehdi Benrabah, directeur éditorial de la maison. Une recette qui marche. « La petite équipe commence à grossir, et arrive le moment, comme pour toute petite structure, de se poser la question de son développement », se remémore Virginie Daudin-Clavauddirectrice générale de Pika.

En 2007, la maison décide donc de rejoindre le groupe Hachette Livre afin de bénéficier d’une « certaine assise et d’une solidité. » Un an après, Pika s’illustre avec ce qui sera, et restera, son plus gros best-seller : Fairy Tail de Hiro Mashima. La série étiquetée shōnen cumule aujourd'hui les 16 millions de ventes en France, et fait toujours partie du top 5 du marché. Elle « rentre dans les cours d'école, séduit tout le monde, et constitue une porte d'entrée dans l'univers du manga pour les premiers et jeunes lecteurs », détaille Virginie Daudin-Clavaud. À ce jour, Fairy Tail continue de prospérer grâce au spin-off Fairy Tail 100 years quest, dont la publication française a débuté en 2019. 

Un peu plus tard, la parution du manga L’Attaque des Titans d’Hajime Isayama, inauguré en 2013 et conclut « en apothéose » en 2021, s’impose comme la série de la décennie, avec plus de 10 millions de ventes à ce jour. « Elles sont parties en flèche à l'annonce du dernier volume. C'est totalement atypique. En général, plus on avance dans les tomes, plus le nombre de lecteurs diminue », analyse Virgine Daudin-Clavaud. 

L’éclosion de nouvelles séries

« On anticipe la fin des séries à succès, et d'autres prennent naturellement le relais, affirme Mehdi Benrabah. Aujourd’hui, de nouvelles belles graines commencent à éclore ». Ainsi, à l’arrêt de L'Attaque des Titans, c’est le manga de football Blue Lock, scénarisé par Muneyuki Kaneshiro qui reprend le flambeau. Nouveau fer de lance de Pika Édition, il se classe désormais au quatrième rang des meilleures ventes du marché avec 4 millions d’exemplaires écoulés. Un succès dopé en partie par l’engouement qu’a suscité son adaptation animée.

Parmi les mangas populaires et titres phares du catalogue, L'Atelier des sorciers de Kamome Shirahama, lancé en 2018 et soumis à un rythme de parution plus espacé – deux tomes par an - occupe également une place de choix. « Dès le premier chapitre, j'ai su qu'il fallait foncer, raconte Mehdi Benrabah. Cette série a tout du parfait premier manga, autant au niveau de la thématique de la magie, que du dessin, très au-dessus du lot. » Sa parution a été rapidement suivie d’une édition collector, puis d’une édition « Grimoire » regroupant deux tomes en un. Une adaptation animée est également en préparation.

« Une fin de série annonce une baisse de chiffre d’affaires »

Outre ces séries-phénomènes, le catalogue de la maison revendique également des mangas au succès plus modéré, appelés « middle-sellers », tels que Yona : Princesse de l'aube de Mizuho Kusanagi, The Summer Hikaru Died de Mokumokuren ou encore certains albums tirés de « nobi, nobi ! », collection pour les plus jeunes.

Grâce à cette offre attractive, Pika limite la baisse de ses ventes à 6 %, contre près de 10 % pour l’ensemble du marché du manga en 2024. « On aime bien être à contre-courant, surtout dans ce sens-là », confie Virginie Daudin-Clavaud. Néanmoins, la directrice éditoriale reconnaît que le secteur est confronté à une surproduction et à un repli global des ventes, conséquence du reflux post-Covid et de la fin de cycle simultanée de plusieurs titres majeurs (Attaque des Titans, Jujutsu Kaisen, My Hero Academia, Demon Slayer).

Pour elle, « une fin de série annonce une baisse de chiffre d’affaires. Il suffit qu’il y ait plusieurs grosses séries qui se terminent en même temps pour que cela se ressente dans la lecture des tendances du marché. » Quant à la problématique de la surproduction, elle reconnaît que « le manga est un marché saturé ».

Ralentir pour mieux rebondir

Et ajoute : « Il y a eu un appel d’air inévitable à la suite d’une croissance très forte. On s’est tous dits que ça allait être formidable et qu’on allait voir toutes nos séries couronnées de succès, mais certaines d’entre elles, plus confidentielles, sont aujourd’hui massacrées. Nous avons contribué à ce phénomène, c’est certain, mais nous nous en sommes depuis rendus compte. Depuis deux ans, nous calmons le jeu ». En réponse aux critiques des libraires dépassés, Pika Édition a ainsi diminué son rythme de parutions, passant de 394 titres, dont 45 nouveautés, en 2023 à 371 albums, dont 33 nouveaux mangas prévus en 2025.

Mais cette réflexion ne va pas sans de nouvelles ambitions. Dorénavant, la maison souhaite également trouver l’espace de développer la création française ; projet qu’elle avait timidement initié en 2006 avec Dreamland de Reno Lemaire et qui reprend aujourd’hui de plus belle, avec le manga Free Quest de Néo ou encore Hajime ! de Topher, coécrit par le judoka tricolore Teddy Riner, paru à l’occasion des Jeux olympiques de Paris.

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