Avant-critique Roman

La mémoire de l'eau. Londres, hiver 1840. Sur les berges de la Tamise, un enfant voit le jour. Pauvre parmi les pauvres, sa mère demande qu'il soit abandonné au fleuve. Mais les ferrailleurs qui en écument les rives fangeuses le sauvent et le baptisent Arthur des Égouts et des Taudis. Sur son visage, le jour de sa naissance, un flocon de neige s'est déposé qui, tout éphémère soit-il, transporte le souvenir de vies antérieures. Ainsi ce flocon était-il jadis goutte de pluie dans l'Assyrie du roi Assurbanipal, fondateur de la première bibliothèque de l'Histoire, et fait-il partie de l'eau sacrée avec laquelle la petite Naryn doit être baptisée au bord du Tigre, dans la Turquie contemporaine. Pour Zaleekhah, hydrologue vivant à Londres, ce flocon possède sa propre mémoire : « L'eau se souvient. Ce sont les humains qui oublient. »

Navigant entre les époques et les personnages, Les fleuves du ciel mêle poétique et géopolitique de l'eau, ressource la plus précieuse de l'humanité, instrumentalisée depuis que les hommes se sont choisi des rois. Au viie siècle avant notre ère, Assurbanipal fait empoisonner les puits et charge l'Eulée des cadavres de ses ennemis. En 2014 en Anatolie, des bulldozers chassent une communauté yézidie des rives du Tigre pour construire un barrage. Telle la goutte d'eau reliant les destins d'Arthur, Naryn et Zaleekhah, l'écriture généreuse de l'autrice turque vivant à Londres Elif Shafak fusionne l'histoire et l'actualité, le lointain passé et notre présent marqué par la pollution des océans, les pénuries et les scandales d'eaux contaminées, et dessine une vertigineuse parabole sur le coût de l'oubli.

Elif Shafak
Les fleuves du ciel
Flammarion
Traduit de l'anglais par Dominique Goy-Blanquet
Tirage: 10 000 ex.
Prix: 24 € ; 512 p.
ISBN: 9782080459879

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