"Personne ne peut vous prendre… quoi ? Mon père avait pris une expression grave. Nos souvenirs précisa-t-il." Le vieil homme s’est éteint depuis, mais son fils - Daniel Mendelsohn - poursuit leur dialogue dans un livre aussi personnel qu’intellectuel. L’auteur s’est fait connaître mondialement avec sa fresque familiale Les disparus (prix Médicis 2007). Cette fois, il s’attaque au cercle nucléaire à travers la figure paternelle. Jay Mendelsohn est un octogénaire curieux, qui cultive la soif d’apprendre. Aussi cet ancien chercheur scientifique s’inscrit-il tout naturellement au séminaire universitaire de son fils.
Sa présence surprend les jeunes étudiants, mais ils partagent peu à peu cette même fascination pour l’analyse de L’Odyssée. Un texte légendaire qui n’a pas fini de livrer sa profondeur et ses mystères. "Quelle est la vraie nature d’un homme, demande L’Odyssée, et combien de natures un homme peut-il avoir ?" Plein, rétorque Daniel Mendelsohn qui se surprend à redécouvrir son père grâce à un classique de la littérature. Entre eux, ils n’avaient jamais été très loquaces, mais ce cours leur permet de se retrouver sous un autre jour.
Au cfil d’une croisière homérique, le père ne cesse de s’exclamer que "le poème fait plus vrai que les ruines". Il leur offre, en tout cas, un partage inespéré. Revisitant son enfance et sa propre paternité, Daniel Mendelsohn prend conscience des liens qui cimentent une famille. "Nos parents nous sont à bien des égards mystérieux, comme nous ne le serons jamais vraiment pour eux." Quel est le sens de la transmission ? K. E.