Le voyage en valait la peine. Cinq ans après leur dernière présence sur place, le retour à Pékin pour les responsables de droits et agents de 80 maisons d’édition françaises s’est avéré positif, selon leur témoignage au dernier jour professionnel de la Foire International du livre (BIBF).
La quinzaine de tables installées sur le nouveau stand du Bief, bien positionné, ont été bien occupées entre le mercredi 19 et le vendredi 21 juin. « C’était très bénéfique de revenir, explique Viviane Alloing, directrice de droits chez Eyrolles, car en cinq ans, les équipes changent et cela m’a permis de voir les nouveaux collaborateurs de nos partenaires ».
Même si personne n’avait complètement coupé les ponts pendant la période du Covid, particulièrement longue en Chine, et que certains éditeurs chinois s’étaient déjà rendus l’an dernier à Francfort, le fait de se déplacer en Chine a relancé les échanges. « Les éditeurs chinois nous ont tous dit à quel point cela leur faisait plaisir de nous revoir », confie Mathilde Barrois, responsable des droits Beaux-Livres et Pratique chez Gallimard, qui a recensé pas moins de 35 rendez-vous sur les trois jours de la Foire. Elle avait remarqué une baisse des échanges, amorcée déjà avant la période Covid du fait de la difficulté à obtenir un ISBN.
Du passage sur le stand
Après ce déplacement, elle a bon espoir d’engranger de nouveaux contrats, même si ce ne sera pas au niveau d’il y a dix ans, lorsque la Chine était son premier marché. « Dans mon segment, c’est très important de pouvoir présenter physiquement l’ouvrage », explique-t-elle en écho à Annamaria Sainaghi, responsable de droits chez Piccolia. Cette maison basée à La Rochelle et rachetée à Bonnier par le distributeur belge Daphné il y a six ans, est spécialisée dans les ouvrages jeunesse pratique. C’est la première fois qu’Annamaria Sainaghi a décidé de venir à Pékin. « Le marché a beaucoup changé, explique-t-elle. Car jusqu’en 2018, tout était acheté puis il y a eu une saturation du fait de la réduction des ISBN. Aujourd’hui, les chinois sont devenus plus regardants. »
Elle n’avait pas dix rendez-vous de prévus sur deux jours, mais a discuté avec bien plus d’éditeurs de passage sur le stand et intéressés par son étagère. « Le passage n’est pas négligeable, confirme de son côté Iulian Miron, responsable des droits de l’EHESS. Ce dernier profite de ce nouveau calendrier pékinois (auparavant, cette foire se tenait à la fin du mois d’août) pour enchaîner avec la Foire de Séoul, qui commence à la fin de la semaine prochaine. « C’est intéressant également d’aller en Corée du Sud pour voir les éditeurs car là-bas cela ne fonctionne que par agent », plaide-t-il.
Des censeurs sur le stand
Car Pékin est en effet exclusivement consacré au (vaste) marché chinois, qui comprend environ 650 éditeurs conventionnés avec l’État, et près de dix fois plus d’indépendants. « C’est un marché difficile mais pas vain », reconnaît Nicolas Roche, directeur général du Bief (Bureau international des éditeurs français), qui se réjouit du retour de son organisation en Chine et de leur accueil. « Ils ont été à l’écoute notamment pour célébrer à notre façon le 60e anniversaire de l’établissement des relations diplomatiques entre la France et la Chine ». Et ce ne sont pas les censeurs passés sur le stand le premier jour en demandant poliment le retrait ici et là de plusieurs ouvrages ne correspondant pas à leur cahier des charges, qui ont cassé l'ambiance.
Des royalties touchées de plus en plus tard
Pour les relations donc, les voyants sont au vert. Concernant le business à proprement parler, c’est plus compliqué. « Le prix du Paperback (sorte de Poche, ndlr) a augmenté de 30 % ici, explique Siu Yin Sally Mak, agent exclusive de Flammarion Illustrés et Jeunesse, Casterman et Futuropolis basée à Hong Kong. Et ce n’est pas facile de s’adapter, poursuit-elle. Notamment sur la demande des éditeurs de baisser les royalties ». Surtout, ces royalties sont touchées de plus en plus tardivement. « Le temps est en effet plus long entre le deal et la publication de la traduction, allongeant le délai de retour sur investissement », remarque Mathilde Barrois.
D’autant plus que les deals eux-mêmes sont bien plus longs à se réaliser dans cette partie du monde. « Avec le Japon, je contracte seulement en ce moment des partenariats proposés l’an dernier lors d’un voyage sur place avec le Bief », confie-t-elle en précisant « qu’en Europe, un deal se réalise quatre à six semaines après un rendez-vous fructueux ». Pas de quoi freiner Annamaria Sainaghi, qui espère revenir dès la prochaine édition de la Foire. Cela voudra dire qu’elle aura finalisé d’ici là des deals et « que venir à Pékin est la bonne stratégie ».
« 1 600 exposants dont 1050 étrangers » à Pékin