Avant-critique Roman

Au parfum. De tous nos sens, l'odorat est sans doute le moins bien connu, le moins mis en valeur chez l'humain. Celui dont on parle peu, car il touche à l'intime : « sentir est notre fatalité », écrit Paul Richardot. Et, en ce monde, tout sent. De là à imaginer qu'une entreprise opaque et tentaculaire, élitiste, a mis au point une technique pour constituer avec des molécules chimiques une « SVM » (substance volatile mémorielle) qui, inhalée par un sujet, provoque chez lui une transe olfactive déclenchant la mémoire la plus lointaine, la plus récalcitrante, il n'y a qu'un pas. Paul Richardot, jeune parfumeur et corefondateur de la Maison Violet, une officine d'autrefois, créée en 1827 et disparue en 1955, l'a résolument franchi. Il en a même fait un roman, Fragrancia, un thriller olfactif dont on parle beaucoup et dont les droits ont déjà été vendus par son éditeur, JC Lattès, dans le monde entier.

Le livre présente bien des qualités : son univers original, son côté high-tech, son sens du suspense, et son écriture à l'américaine... Seul bémol : si l'on n'est pas nez dans la parfumerie ou ingénieur chimiste, on peut peiner sur certains passages. Mais l'intrigue, emberlificotée à souhait, l'emporte sur le contexte.

Tentons de nous y retrouver. Au Mans, dans l'une des succursales de la pieuvre Fragrancia, Alain Fisson, « olfate » chevronné, embauche un jour l'un de ses jeunes patients, Hélias Rével, que la transe olfactive a soulagé de son hyperémotivité. Il est même devenu accro à la SVM. Ses qualités exceptionnelles de nez lui prédisent un avenir tout tracé chez Fragrancia. Mais l'entreprise, victime de vols de SVM et ne parvenant pas à maintenir le secret absolu sur ses lucratives activités, est sur le point de réduire la voilure, de fermer plusieurs de ses officines dans l'Hexagone. C'est la patronne, la mystérieuse Cornélia, qui en a décidé ainsi, juste au moment où Hélias arrive au siège comme stagiaire. Et c'est Nora, son bras droit, qui l'accueille et sera chargée de le renvoyer. Mais, au fil d'une enquête personnelle qu'elle mène pour aider à identifier un violeur, elle va apprécier toutes les qualités du garçon. Que va-t-il lui arriver ?

On pense bien sûr, toutes proportions gardées, au Parfum de Patrick Süskind (Fayard, 1986), et à l'adaptation admirable qu'en a tirée Tom Tykwer au cinéma en 2006. Hélias n'est pas Grenouille, mais Fragrancia ferait un excellent film à suspense.

Paul Richardot
Fragrancia
JC Lattès
Tirage: 15 000 ex.
Prix: 20,90 € ; 342 p.
ISBN: 9782709674508

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