La couleur de la mélancolie. Attention, OLNI (Objet Littéraire Non Identifié). Les Mémoires de vedettes d'Hollywood ne doivent généralement rien à la littérature et tout à l'hagiographie la plus cynique. Sauf quand la star en question, n'entendant pas se soumettre au diktat d'un storytelling imposé, s'avise qu'un peu de vérité, beaucoup d'honnêteté, peuvent rendre l'exercice plus plaisant. Dans le genre il y a eu Kirk Douglas. Il y aura désormais Paul Newman.

Parvenu à la soixantaine, au faîte de sa gloire, alors qu'il vient enfin d'obtenir l'Oscar du meilleur acteur pour La couleur de l'argent, l'inoubliable interprète de L'arnaqueur entreprend donc, aidé par son meilleur ami le scénariste Stewart Stern, de mettre de l'ordre dans ses souvenirs et dans sa vie. Cela prendra cinq ans. Stern interroge la famille, les amis, tous ceux qui ont travaillé avec l'acteur tandis que celui-ci fait part de sa propre version de son histoire. Le résultat n'est pas loin d'être stupéfiant. Et le portrait qui se dégage peu à peu est celui d'un homme profondément mélancolique et en proie sa vie durant à ses démons familiers. L'alcool, l'absence de toute vraie confiance en soi (« Si j'ai percé, c'est d'abord grâce à mon physique. Franchement, où est-ce que j'en serais si je ressemblais à Golda Meir ? Nulle part, j'imagine. J'étais comme un rentier qui n'a pas besoin de travailler ; mon physique a toujours été ma rente. ») Les pages où Newman évoque son enfance au sein d'une famille juive d'une petite ville de l'Ohio (on n'est pas très loin du Newark de Philip Roth...) sont éblouissantes. Comme celles consacrées à ses débuts à la scène et à l'écran, à sa rencontre avec Joanne Woodward, au drame que fut la mort par overdose de son fils à l'âge de 28 ans puis à sa passion du sport automobile... Peu de gossip finalement sur le monde du cinéma (avec tout de même des jolis portraits à la pointe sèche de John Huston et James Dean), mais plutôt des variations sur les engagements philanthropiques et politiques de cet homme plongé dans son temps. Humain, terriblement humain. D'une complexité folle. Passionnant.