Les Français se passionnent pour l’Histoire. Rarement pour ses outils. Voici un ouvrage qui devrait combler ce manque d’appétit et montrer que la machinerie est aussi intéressante que la route qu’elle emprunte. "C’est un dictionnaire de méthode plus que de contenu historique", préviennent Claude Gauvard et Jean-François Sirinelli, les deux responsables de ce copieux volume. Pas d’événements marquants donc, pas de personnages mis en avant, mais une sorte de démontage de la mécanique "Histoire". Au total, 355 entrées pour comprendre le "comment ça marche" et quelles sont les méthodes pour créer "un savoir documenté et référencé concernant des temps qui ne sont plus les nôtres".
On y retrouve les grands thèmes plus ou moins attendus (représentations, sensibilités, mondialisation, etc.) mais aussi quelques approches plus surprenantes sur le rôle de l’anecdote par Alain Corbin, les élites par Boris Bove, le documentaire historique par Anne Grolleron, l’évolution de la biographie par Anne-Emmanuelle Demartini ou les mutations de la vulgarisation par Jean-Claude Lescure.
Tous ces éléments concourent à un seul but : saisir le passé dans sa multiplicité. "Car la fonction de l’historien, au bout du compte, expliquent Claude Gauvard et Jean-François Sirinelli, demeure bien de procéder à un rendu de complexité." Il est en effet illusoire de croire qu’hier serait plus lisible qu’aujourd’hui simplement parce qu’on connaît le dénouement des faits. Ce qui se situe dans les interstices d’une construction est au moins aussi important que la vision d’ensemble que l’on donne de l’édifice. On comprend pourquoi ce projet tenait tant à cœur à Michel Prigent, l’ancien président du directoire des Puf, à qui cet ouvrage est tout naturellement dédié.
A un moment où les universitaires s’agacent un peu facilement des succès de librairie signés par des historiens amateurs ou des stars des médias, voilà qui devrait contribuer à remettre les pendules à l’heure en expliquant comment fonctionne la recherche en histoire et ce qu’est le métier d’historien.
Laurent Lemire