C’est un crime, aussi atroce que mystérieux. Pourquoi Fabrizio Collini, un ouvrier d’origine italienne, fraîchement retraité des usines Mercedes, a-t-il, dans la soirée du 23 mai 2001, assassiné (une balle dans la nuque, avant de s’acharner à coups de pieds sur sa victime), dans une suite de son hôtel berlinois, l’industriel Hans Meyer respectable et richissime octogénaire ? Quels sont ses mobiles ? Pourquoi, depuis son forfait, se réfugie-t-il dans un mutisme qui ne facilite guère le travail de son avocat commis d’office, le jeune Caspar Leinen, frais émoulu. Malgré le retentissement de l’affaire, gage d’une entrée en fanfare dans la carrière, Leinen a hésité avant d’accepter la défense de l’accusé. Il connaissait Meyer, grand-père de feu son meilleur ami et de la femme qu’il aimait et qu’il a laissée partir vers Londres. Au fil de ses investigations, menées afin de redonner un sens à ce qui en paraît dépourvu, Leinen va se retrouver plongé dans les méandres tragiques de l’histoire contemporaine de son pays et dans les ambiguïtés d’une justice dissimulatrice.

L’affaire Collini est le premier roman de Ferdinand von Schirach (dont reparaît en Folio Coupables, son dernier recueil de nouvelles), que le succès international de Crimes (Gallimard, 2011) a révélé comme la nouvelle star des lettres germaniques. La répercussion fut telle en Allemagne qu’il a suscité un vaste débat et permis une évolution du droit sur l’imprescriptibilité de certains crimes -, il est à parier qu’il sera comparé au Liseur de Bernhard Schlink. Il en serait comme une version plus "froide", mais non moins impressionnante. Ecrivain tardif (il n’a commencé à publier qu’après 45 ans), von Schirach est aussi le petit-fils de l’ancien chef des Jeunesses hitlériennes Baldur von Schirach. Ce livre, austère, désolé, digne, est sans doute une manière de dissiper les ombres, de distinguer parmi les fantômes, les victimes et les bourreaux. Ce qui, après tout, est également une définition possible de la littérature. Olivier Mony