Linguiste émérite, Henriette Walter s’est forgé comme spécialité la mise à la portée de tous de sa discipline, passionnante lorsqu’elle est racontée de façon simple, vivante, pédagogique. On se souvient encore de ses best-sellers L’aventure des langues en Occident et L’aventure des mots français venus d’ailleurs (Robert Laffont, 1994 et 1999), où elle tordait également, au fil des pages, le cou à quelques idées reçues.
La voici qui revient aujourd’hui à nos fondamentaux, traitant du latin, matrice de notre langue et des langues romanes (italien, espagnol, portugais, roumain…), mais aussi, et c’est moins connu, vivier où ont largement puisé les Anglo-Saxons ainsi que différents domaines spécifiques : latin d’église, "de cuisine" ou macaronique, c’est-à-dire farfelu, des sciences et techniques. Sans parler de la publicité ou de l’industrie : les noms Vivendi ou Vel Satis en sont quelques exemples récents. Juste retour des choses, puisque le latin avait lui-même beaucoup emprunté au grec.
Fidèle à sa méthode, Henriette Walter enchaîne les chapitres composés de paragraphes courts et précis, nourris d’exemples, illustrés de schémas ou de glossaires éclairants, voire originaux. Ainsi, l’on découvre que le basque, langue issue d’un autre groupe linguistique que le latin, lui a cependant emprunté quelques mots, comme liburu, "livre", du latin liber, ou gorputz, "corps", du latin "corpus". Côté anecdotes, on apprend, entre autres choses, que c’est l’extravagant Apicius qui a inventé le gavage des oies aux figues sèches et donc le foie gras (en latin ficatum). Côté détente, Henriette Walter n’hésite pas à faire un tour du côté des albums d’Astérix, des Exercices de style de l’érudit Queneau, ou encore des hurluberlus qui inventent des expressions latines pour désigner des réalités modernes. Ainsi, le jeune Goudurix aurait pu porter des bracae linteae caerulae, des pantalons de toile bleue, ancêtres du blue-jean.
Henriette Walter met toutes les ressources de son art au service d’une juste cause : démontrer que le latin est source de connaissance irremplaçable de notre langue et de notre culture, et son abandon une absurdité. Optimiste, elle veut croire qu’il se trouve encore ""en filigrane" au cœur du paysage linguistique du XXIe siècle globalisé". Diis placet. J.-C. P.