Amours sorcières. Aujourd'hui, nombreux sont ceux qui, grâce aux applis, délèguent à l'algorithme les possibilités de rencontre. L'amour, pour le narrateur éponyme du roman d'Olmo, Aden ou la transparence de l'air, c'est à l'ancienne - au hasard, Balthazar ! Aden, un artiste qui ne réussit pas à percer, écume les bars, buvant des coups, et plus si affinités... Aussi est-ce dans un bar justement qu'il rencontre la belle anarchiste Amalia, volubile pasionaria férue de l'histoire de la Commune, lectrice de Georges Bataille, toujours prête pour la prochaine tournée, et pas bégueule quand le désir déploie ses ailes.

Aden et Amalia finissent par se mettre ensemble malgré l'indomptable caractère de cette dernière. Si Amalia disparaît épisodiquement sans donner de nouvelles, les sempiternelles absences du peintre sans le sou exaspèrent en revanche la fille de l'air. Pas tant parce qu'il déserte le domicile que parce qu'il néglige d'honnêtes boulots qui permettraient de faire bouillir la marmite. Préférant être un trafiquant au petit pied, Aden « businesse » avec son ami Flock, un dealer qui s'approvisionne auprès d'un type bizarre dit « le Caló », vivant en périphérie de la capitale. Ce chaman aux allures androgynes, -également surnommé « le Manouche » quoique d'origine mexicaine, détecte chez les gens leur duende, cet « esprit » qui loge dans la faille de chacun et vous possède à vie. Lui a découvert le sien, enfant, au Mexique, dans le déser. Son duende lui est « entré par le cul ». « C'est, explique-t-il, depuis ce jour, que je suis pédé. » Le duende d'Aden, élevé par son père veuf, se tapit sans doute au creux de l'absence d'une mère qu'il a perdue très jeune. Voilà que ce mauvais génie triture derechef chez Aden la plaie du manque lorsqu'Amalia le quitte sans crier gare. Aden croit devenir fou, il entend des voix. Tous les moments vécus avec Amalia saturent l'atmosphère. Comment la retrouver ?

Olmo, par le truchement de son narrateur amoureux à la dérive, brosse le portrait ému de la fugitive Amalia et peint une galerie de personnages en chromos insolites, tels le Caló ou Houphouët le vieux bouquiniste sénégalais. Mais tout le charme singulier de cette ballade de l'amour impossible tient surtout au fait qu'au vibrato du cœur en peine, elle mêle les rumeurs d'un Paris interlope et ténébreux.