Journal du confinement

Olivier Chaudenson : “L'occasion de plonger dans quelques livres monstres”

Olivier Chaudenson. - Photo DR

Olivier Chaudenson : “L'occasion de plonger dans quelques livres monstres”

Onzième  épisode du « Journal du confinement » de Livres Hebdo, rédigé à tour de rôle par différents professionnels du livre. Aujourd'hui Olivier Chaudenson, directeur de la Maison de la Poésie à Paris.

Par Michel Puche
Créé le 28.03.2020 à 12h01

« Vendredi 13 mars, peu après 13h, nous apprenons l’interdiction des rassemblements de plus de cent personnes. Certes, cela nous permet de maintenir la programmation de notre petite salle Lautréamont dont la jauge n’est que de 45 places. Mais, par son volume réduit, elle contraint à une certaine promiscuité qui va clairement à l’encontre des recommandations : distanciation sociale impossible (et malheur à celui qui sera pris d’une quinte de toux en pleine séance). Et aussi, que faire ce soir ? La grande salle est archipleine, 170 réservations pour Arthur H et sa lecture musicale autour de Guérasim Luca et Christophe Tarkos. Faire entrer les 99 premiers arrivés, garnir un fauteuil sur deux ? Inutile et absurde de louvoyer, il faut fermer immédiatement la Maison.

Chacun chez soi

L’après-midi sera consacré à l’extinction des feux : annoncer la fermeture sur notre site, envoyer un message à tous ceux qui ont un billet, prévenir les auteurs et les artistes programmés dans les jours à venir… Rencontrer également les organisatrices du festival Italissimo qui, depuis un moment déjà, doutent fort de pouvoir mener à bien l’événement prévu pour début avril. Décision est prise de reporter à la mi-octobre.

Sans réelle préméditation, l’équipe se retrouve au complet en fin de journée dans le hall, à l’heure où, comme chaque soir, le public aurait dû commencer à affluer. Il va falloir encaisser la lourde déception de tous ces événements annulés « jusqu’à nouvel ordre ». S’improvise un dernier verre car nous sentons bien que le nouvel ordre n’est pas pour demain, ni même pour la semaine prochaine... Nous trinquons, gestes barrières inclus, un peu sonnés par la période qui s’annonce et avec une réelle pointe d’inquiétude pour certains. Nous avons depuis hier une malade dans l’équipe et elle vient d’appeler pour faire part d’un premier diagnostic : forte suspicion de Covid-19. Quelques jours plus tard, nous apprendrons que tout va bien : Covid sans doute, mais pas de complications et aucune autre contamination problématique dans l’équipe. Tout le monde va bien mais chacun chez soi, évidemment.

Catastrophe irrémédiable pour les auteurs

Au fil des jours, je prends conscience de la catastrophe irrémédiable pour les auteurs qui ont publié leur livre quelques jours – ou même quelques semaines – avant le grand confinement. Plus de librairies, plus d’acheteurs, plus d’échos, plus d’articles. Des livres au fond du trou qui, même après le pic épidémique, se feront ensevelir à la veille de l’été par un flot inhabituel de nouveautés attendant leur tour. Côté scène, impossible pour l’heure de commencer à reconstruire un quelconque programme de printemps. Il nous faudrait pour cela un horizon plausible de redémarrage. Faute d’avenir immédiat, restent les archives pour faire vivre (un peu) la Maison. Nous allons poursuivre la mise en ligne de nos dernières soirées, en format vidéo ou podcast selon les cas. Et puis, sans doute, malgré tout, tenir quelques rendez-vous qui peuvent se plier aux règles du « fait maison » et, vu à distance, par la fenêtre de l’ordinateur : en préparation un nouvel épisode du « Marathon autofictif » d’Eric Chevillard par Christophe Brault (dans sa cuisine), une « Tentative de résumer A la recherche du temps perdu en une heure » par Véronique Aubouy (dans son salon)…

Plonger dans quelques livres monstres

Un des rares avantages de cette période sinistre : le temps retrouvé pour de longues plages de lecture. Dans la pile des livres arrivés récemment, j’en profite pour glisser quelques conseils : Arno Bertina, L’âge de la première passe (Verticales, 5 mars), Rebecca Lighieri, Il est des hommes qui perdront toujours (P.O.L, 5 mars), Sophie Martin, Classés sans suite (Poésie Flammarion, 11 mars). Tous trois en librairie donc (lorsque nous fêterons leur réouverture) et prochainement à la Maison de la poésie (si SARS CoV-2 le permet). Tellement de temps que c’est aussi l’occasion de plonger dans quelques livres monstres dont l’épaisseur est habituellement réservée aux longues journées d’été. Voilà donc arrivé pour moi le moment de lire 2066, de Roberto Bolaño (1016 pages). »

Et vous ? Racontez-nous comment vous vous adaptez, les difficultés que vous rencontrez et les solutions que vous inventez en écrivant à: confinement@livreshebdo.fr

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