Les inséparables. Elles sont trois. D'abord Armelle, la narratrice, et Rim, son amie d'enfance, Montaigne et La Boétie du CM1. Puis à ce duo qui ne s'est jamais vraiment quitté est venue s'ajouter plus tard Anna. Toutes les trois journalistes dans un titre à vocation culturelle, toutes les trois casées avec des types dont la tranquille assurance les protège autant que faire se peut de leurs failles, leur intranquillité. Et enfin, depuis peu, toutes les trois mères et plutôt ravies et étonnées du plaisir qu'elles ont à l'être.

Mais la question n'est pas là, ce serait plutôt celle de leur amitié, du temps qui passe et dont elles n'entendent pas qu'il les dépasse. Afin de s'en prémunir et de se rassurer aussi sur un champ des possibles qui ne se serait pas totalement refermé, les voici en goguette à l'aube de la quarantaine, dans un hôtel de luxe de Djerba. Elles rêvent d'amour et d'aventures. Elles en vivront de celles-ci, les confondant avec celui-là. Qu'importe, ce n'est jamais qu'une question de flacon et d'ivresse. Trois ans plus tard, changement de décor, Armelle, Rim et Anna se retrouvent sur une île bretonne au large de Morlaix. Quelque chose est désaccordé entre elles, peut-être même sans espoir de retour, de consolation. Ce qui rôde alors, c'est l'abandon, la trahison, les solitudes.

Avec Les amies, son deuxième roman après un déjà très réussi La trajectoire de l'aigle (Gallimard, 2021), Nolwenn Le Blevennec, par ailleurs rédactrice en chef à L'Obs, compose une sorte de fresque d'époque autour de la force ambiguë et magnifique des liens d'amitié. Ses trois héroïnes font ce qu'elles aiment, aiment comme elles peuvent. C'est à la fois très drôle et finalement poignant. Poignant parce que drôle, en fait. La justesse de son regard fait voisiner cette histoire, ce conte moral, avec la cruauté tendre. Celle des femmes du chef-d'œuvre de Mankiewicz, Chaînes conjugales, ou bien celle des héroïnes des Frustrés de Claire Bretécher.

Rajoutons à cela, qui n'est pas rien, le regard acéré d'une chroniqueuse de notre contemporain. Nulle mièvrerie dans cet éloge vibrant de l'amitié, juste le rappel que « cette complicité, cet accord tacite que quelque chose d'unique et de parfois magnifique s'est produit, c'est vraiment rassurant ».