La chasteté volontaire serait-elle aujourd'hui l'ultime acte de rébellion possible ? Le dernier bastion où pouvoir exercer un authentique libre arbitre ? Le choix de s'abstenir de vie sexuelle, "la pire insubordination de notre époque" ? S'affranchir de l'injonction de désirer, c'est le pas qu'a franchi la narratrice de L'envie, qui porte le même prénom que l'auteure, Sophie Fontanel, journaliste au magazine Elle qui a déjà publié plusieurs romans d'humour.
"J'avais trop dit oui. Je n'avais pas considéré la tranquillité demandée par mon corps", explique le cobaye consentant de cette aventure extrême. De cette position de repli, elle reconsidère ses relations amoureuses. Et analyse les réactions édifiantes que suscite sa sexualité. Son entourage l'a trouvée d'abord transfigurée ; amoureuse, diagnostique son amie Henrietta. En vieil ami sage, Axel lui conseille cependant d'être discrète et de ne pas étaler son bonheur. Il faut aussi fermer ses oreilles aux alarmes du médecin qui annonce la dégradation du corps quand on ne s'en sert pas. De fait, passé le stade de la curiosité enthousiaste, l'inquiétude désolée grandit chez les proches. Et Sophie commence à faire le désespoir de ses amis. Tout en découvrant des "convenances dans les lieux les plus libérés". La voilà membre de la communauté occulte de ceux qui ne font pas l'amour, une confrérie secrète. Différents, mais plutôt honteux de l'être. Pas de "No sex pride" chez les abstinents anonymes.
De courtes saynètes en portraits nerveux où son esprit caustique fait mouche, Sophie Fontanel raconte en creux, sur le mode "rien de grave" qui est sa signature, la vulnérabilité du désir, la dictature du sexe normé, la reconquête de l'envie.
Comme dans Grandir (Robert Laffont, 2010), conversation entre une journaliste surbookée et sa mère en fin de vie, la piquante créatrice du personnage de Fonelle a injecté, mine de rien, une dose de tragique à sa dérision, qui en contenait déjà pas mal, mais souvent pudiquement planquée au fond de son it-bag de saison.