De père inconnu. En 1956, Karim, un Kabyle dont la fille Margot (la narratrice de cette histoire) apprendra bien plus tard par hasard qu'il avait fait partie du FLN et que sa vie était menacée, quitte son pays sur le Ville d'Alger, à destination de Marseille. Avant que n'éclate cette guerre honteuse qu'il pressentait, « il voulait la France », ainsi qu'échapper à un mariage arrangé avec une cousine. C'est donc en France qu'il a fait sa vie, jusqu'à la fin, le 24 avril 2014. Lorsque commence le récit, Karim est à l'hôpital, muet. « On l'oublie et il ne s'en plaint pas. » Margot, elle, n'a rien oublié, et elle essaie de reconstituer l'itinéraire de ce père discret, taiseux, pudique à l'extrême, dont elle se rend compte qu'il était presque un inconnu. Devenu Paul pour mieux s'assimiler, marié à Ana, une plisseuse de famille espagnole républicaine, née à Malaga où elle rêve de retourner et où elle impose chaque année des vacances estivales, Karim travaille chez Monsieur Jean, alias Jakub. Cet ancien déporté juif lui a aussi sauvé la vie : il l'a hébergé chez une amie, après la manifestation du 17 octobre 1961 à Saint-Michel, qui s'est terminée en ratonnade. Karim, blessé, avait été arrêté, emmené au Palais des Sports, passé à tabac, amoché. Il n'en a jamais parlé. Mais il a poussé sa fille à faire des études, pour s'en sortir. Elle est devenue prof à l'université de Malaga. La boucle est bouclée, comme ce récit simple et émouvant, composé de saynètes indépendantes de toute chronologie.