A moins d’un an d’une élection présidentielle particulièrement attendue, qui cristallise les débats au Mexique, la rentrée des classes est placée sous le signe de la guerre autour des nouveaux livres scolaires gratuits dans l'enseignement public.
Le gouvernement du président Andres Manuel Lopez Obrador (gauche nationaliste) avait annoncé en mai la refonte des livres scolaires, dont les nouveaux ouvrages seraient distribués gratuitement à partir de cette rentrée, le 28 août. Cette mesure, qui représente plus de 100 millions d’exemplaires, s’inscrit dans le cadre d’un programme de son gouvernement intitulé « la nouvelle école mexicaine ».
Des centaines de livres brûlés
Dès cette annonce, l’opposition a fortement critiqué le projet et a mené une bataille pédagogique, politique et judiciaire. Le président du Parti d’action national (PAN, droite conservatrice), Marko Cortes, a encouragé les parents à « jeter les manuels scolaires » ou à en arracher « les pages que vous ne considérez pas convenables pour l'éducation de vos enfants ».
La semaine dernière, des parents ont brûlé une centaine de manuels destinés à une école primaire de San Cristobal de la Casas (Chiapas, sud) tandis qu’à Aguascalientes (centre) des milliers de personnes ont manifesté derrière une banderole proclamant « Éducation oui, endoctrinement non ». Pour les parents en colère, c’est l’utilisation d’un langage inclusif, la représentation de nouvelles familles homoparentales ou homosexuelles et une vision biaisée de l’histoire du Mexique qui justifient cette vindicte.
Produits à la hâte
Selon le journal espagnol El Paìs, certains universitaires se sont joints aux critiques en raison d'omissions ou d'erreurs dans le contenu. La critique du gouvernement fédéral ne porte pas seulement sur le contenu, mais sur la hâte avec laquelle les manuels ont été produits et la pression de l’exécutif pour qu’ils soient dans les écoles avant la fin du mandat de six ans de López Obrador.
Le sénateur indépendant Emilio Álvarez Icaza Longoria a écrit sur Twitter (X) que le ministère « a violé la loi générale sur l’éducation décrétée par López Obrador le 30 septembre 2019 », qui « oblige à des consultations avec les institutions, les gouvernements des États et les acteurs sociaux pour préparer et approuver l’étude des plans ».
Action en justice en cours
Le président a dû mobiliser les autorités éducatives pour expliquer les contenus des manuels lors de ses dernières conférences de presse quotidienne. Marx Arriaga, le directeur général du matériel pédagogique du ministère de l’Éducation, a assuré mardi dernier que « nous avons dû arrêter la privatisation du manuel scolaire car le livre était un commerce et il profitait à certains éditeurs. Maintenant, nous revenons à un âge d’or où ce n’est pas le fruit d’un commerce mais le trésor du ministère ».
La Cour suprême a ordonné la suspension de la distribution des nouveaux livres scolaires gratuits dans deux états gouvernés par des partis d'opposition au gouvernement fédéral (Coahuila et Chihuahua) tandis que plusieurs organisations ont déposé des recours judiciaires contre les textes et au moins sept gouvernements d’États ont déclaré qu’ils attendraient que ces différends soient résolus. Les gouvernements comme Jalisco ont déclaré que « les manuels ne seront pas distribués ». Mardi, le gouvernement de Nuevo León a annoncé qu’il suspendait la distribution de contenu, rejoignant Coahuila, Colima et Yucatán, où ils ont également annoncé qu’ils retarderaient la distribution en attendant les décisions de justice. Selon une étude du Bief datant de 2019, 40% du chiffre d’affaires de l’édition mexicaine est générée par le livre scolaire, soit près de 190 millions d’euros.