Tard dans la soirée du vendredi 13 septembre, lors du vote de la loi relative à la consommation, le Sénat a adopté trois amendements du gouvernement visant à renforcer le respect de la réglementation sur le prix du livre papier et numérique (disponibles en pdf ci-dessous).
Ces amendements concernent la création d'un médiateur du livre, et celle d'agents assermentés pour enquêter sur d'éventuelles infractions. Soutenus par Benoît Hamon, ministre délégué à la Consommation et l'Economie solidaire, ces amendements ont été rédigés par le ministère de la Culture, comme la ministre Aurélie Filippetti en avait pris l'engagement devant les professionnels lors du salon du livre en mars, et lors des Rencontres de Bordeaux, en juin dernier.
«Ces mesures sont destinées à améliorer le fonctionnement des lois du 10 août 1981 et du 26 mai 2011 relatives au prix unique du livre, papier comme numérique. L'assermentation des agents du ministère de la Culture et de la Communication améliorera l'effectivité de ces lois puisqu'elle leur permettra d'assurer une veille de leur application et un contrôle de leur mise en oeuvre avec la possibilité de saisir la justice en cas de manquement» commente le ministère dans un communiqué saluant l'adoption de ces dispositions présentées comme étant «en faveur de la librairie indépendante».
«En raison de l'arrivée de nouveaux acteurs issus d'Internet, qui ne participent pas aux instances interprofessionnelles existantes et de rapports de force qui, parfois, ne permettent pas au dialogue entre partenaires commerciaux d'aboutir, les instances mises en place par l'interprofession peinent à arbitrer les conflits, tandis que les professionnels hésitent à recourir au juge. Il faut donc une autorité intermédiaire qui puisse être saisie facilement et favoriser la conciliation» a expliqué Benoît Hamon lors du vote concernant la création d'un médiateur.
Le Syndicat de la librairie française s'est félicité de la création de cette fonction qu'il réclame depuis plusieurs années, «face aux contournements du prix unique par certains acteurs économiques, notamment la grande distribution physique ou en ligne».
"le médiateur n'aura pas à s'immiscer dans ce qui relève de la concertation professionnelle"
«La création d'un médiateur du livre, sous forme d'autorité administrative indépendante, permettra de faciliter la conciliation entre éditeurs, distributeurs et libraires dans les conflits éventuels qui les opposent» ajoute également le communiqué du ministère.
Dans l'exposé des motifs du texte, il est toutefois précisé que «le médiateur n'aura pas à s'immiscer dans ce qui relève de la concertation professionnelle. Les réflexions sur les questions générales intéressant la profession incombent aux organisations syndicales et professionnelles (Syndicat national de l'édition, Syndicat de la librairie française, etc.) dans le cadre des instances spécialement créées à cet effet (commission des usages commerciaux, commission de suivi du protocole d'accord, etc.).»
Les éditeurs ne souhaitaient pas que ce médiateur s'occupe des relations interprofessionnelles. L'exposé des motifs souligne également que «la création du médiateur du livre ne doit pas apporter de restriction à ce qui doit relever de la liberté de négociation commerciale. A la différence d'autres autorités administratives, le médiateur du livre n'a pas le pouvoir de fixer par une décision administrative un des aspects de la relation commerciale (la remise au libraire par exemple)».
"Le cumul de la gratuité des frais de port et de la remise de 5% aux clients correspond à une politique de «dumping»"
Votés au Sénat en première lecture de la loi sur la consommation, ces amendements devront aussi être approuvés à l'Assemblée lors de l'examen du texte en seconde lecture, sans doute d'ici la fin de l'année.
Le ministère indique par ailleurs que les dispositions introduites par le Sénat pourraient être enrichies «d'une régulation plus stricte de la pratique commerciale de la gratuité des frais de port associée systématiquement au rabais de 5% permis par la loi. Celle-ci déstabilise le secteur». Ce projet «fait actuellement l'objet d'une concertation avec l'ensemble des acteurs concernés».
De son côté, le SLF souligne «que le cumul de la gratuité des frais de port et de la remise de 5% aux clients correspond à une politique de «dumping» et à une concurrence déloyale de la part de grands opérateurs» Le groupe UMP a déposé une proposition de loi prévoyant de supprimer le port gratuit pour les expéditions de livre, qui doit être examinée le 3 octobre (voir Livres Hebdo 965 du 13 septembre 2013).