De l'art et des lézards. 1993. La jeune Marion a 13 ans quand elle voit Jurassic Park au cinéma. Choc, traumatisme, extase. Trente ans et des dizaines de visionnages plus tard, l'autrice de Dans la combi de Thomas Pesquet (Dargaud, 2017) s'interroge : pourquoi cette fascination - personnelle mais largement partagée par l'espèce humaine - pour les dinosaures ? Comme souvent chez cette spécialiste de la vulgarisation scientifique en BD, les questionnements profonds ne seront assouvis que par des recherches pointues, sérieuses, obsédantes. C'est parti pour une leçon condensée de biologie, de géologie, de paléontologie et d'histoire de l'art (de dessiner les lézards). Avec autant de rigueur que d'humour et d'autodérision.
Après la carrière d'astronaute, la vie des fortunés (Riche pourquoi pas toi ?, Dargaud, 2013) ou L'intelligence artificielle (Le Lombard, 2016), Marion Montaigne s'attaque donc au thème phare des dinosaures. Enfin, c'est ce qu'on pourrait croire, naïvement, en jetant un œil rapide à la couverture... En réalité, l'autrice propose bien davantage qu'une simple compilation - fût-elle drôle et intelligente - des savoirs en matière d'iguanodons. Bien sûr, elle croque avec mordant les élucubrations de Buffon, décrit avec passion la quête des fossiles - en mettant en avant l'Anglaise Mary Anning ou le duel entre les paléontologues américains Edward Drinker Cope et Othniel Charles Marsh - et raconte comment les artistes ont construit les images de ces sauriens préhistoriques à partir d'un bout de mâchoire et d'une griffe. Mais entre un chantier de fouilles et un cours d'anatomie, elle se dévoile tout autant. Maîtresse dans l'art de la digression et de la comparaison incongrue, Marion Montaigne raconte ainsi ses tourments adolescents, la naissance de sa passion pour les sciences, le veto parental pour cette filière jugée trop ardue et son choix des études d'art par défi.
Aussi instructif qu'hilarant, aussi passionnant que touchant, Nos mondes perdus dépasse largement le cadre de la BD documentaire ou de l'autobiographie. C'est un album puzzle brillant sur les fondements de l'obsession humaine pour une espèce disparue - miroir de sa propre finitude -, mais aussi sur la magie du dessin pour donner corps aux fantasmes, et l'importance de suivre son instinct et ses envies. Tiens, si on se remettait un petit Jurassic Park ?
Nos mondes perdus
Dargaud
Tirage: 130 000 ex.
Prix: 24,50 € ; 208 p.
ISBN: 9782205208092