Avant-critique Essai

Reprendre son souffle. Respire tente de restaurer du souffle dans l'environnement intoxiqué qui est le nôtre. Dans ce nouvel essai qui reprend le modèle des formes courtes et vives de ses précédents ouvrages Sidérer, considérer et Nos cabanes, Marielle Macé réfléchit à des manières de répondre à « nos grands besoins d'air » dans l'« atmosphère assez irrespirable [qu']est en train de devenir notre milieu ordinaire ».

En mars 2020, George Floyd succombait à un plaquage policier pendant une interpellation. Ses derniers mots, « I can't breathe », sont devenus comme une formule, une expression figée pour dénoncer les violences policières et a fortiori celles des institutions. Traitements aux pesticides dans les cultures agricoles, répression aux grenades lacrymogènes en manifestations, pollution de l'air au plomb lors de l'incendie de Notre Dame de Paris, insuffisances respiratoires des malades du Covid, incendie de l'usine Lubrizol à Rouen, canicules de plus en plus insoutenables... Marielle Macé passe en revue la multitude de faits et d'événements qui illustrent cette idée bien actuelle de la respiration empêchée, contrariée, bloquée.

Convoquant des figures littéraires - poètes (Christophe Tarkos, Charles Pennequin), intellectuels (Naomi Klein, Emmanuel Coccia) ou dramaturges (Valère Novarina) -, la philosophe suggère des lignes de fuite pour tenter de comprendre autrement le contemporain. Adopter d'autres horizons pour rendre supportable les transformations du monde. Marielle Macé rappelle par exemple que l'on ne pourrait respirer seul, que la condition même de l'air et de la vie suppose que l'on cohabite, que l'on coexiste, que l'on « conspire » avec les autres vivants.

Au regard de la montée des individualismes, poussée par une doxa qui sépare et isole les êtres (humains et non humains) les uns des autres, la philosophe propose de penser la « respiration commune », engageant une réflexion et des actions collectives. « Le monde [...] réclame que nous exercions pour de bon nos responsabilités de vivants parlants. Que nous comprenions l'exercice de la parole comme une tâche atmosphérique et une responsabilité écologique à part entière : que nous parlions autrement du monde et dans le monde, entre nous et avec les autres. » Et pour envisager un monde plus horizontal où les vivants cohabitent et interagissent dans la compréhension, Marielle Macé invoque la nécessité de la douceur, de la « conspiration de douceur même, pour dissoudre au moins un peu, dans cette atmosphère si épaisse, les virilismes et les coups, et les morgues, et les rentes ».

Marielle Macé

Verdier
Tirage: 12 000 ex.
Prix: 8,50 € ; 112 p.
ISBN: 9782378561802

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