Recluses, béguines, célibataires endurcies, sorcières... Dans l'imaginaire collectif traditionnel, la « vieille fille » est une femme qui perd le qualificatif « jeune » à l'âge de 25 ans, si elle n'est ni mariée ni promise à un fiancé. Cette situation a donné lieu à un folklore aujourd'hui abandonné : celui de « coiffer sainte Catherine » et de signer ainsi son testament amoureux. Aujourd'hui, l'expression n'est quasiment plus utilisée dans le langage courant. Mais la dimension péjorative de la figure de la femme seule, célibataire et sans enfant, qui a multiplié les aventures et qui malgré des moments d'angoisses et de pressions, est plus épanouie dans ses relations amicales et mixtes qu'en duo amoureux avec un homme, demeure. Perçue comme égoïste, avare, frigide, pas finie, elle subirait sa condition plutôt qu'elle ne la choisirait. Qui voudrait d'un destin de vieille fille ? « Je ne me rappelle pas avoir un jour envisagé de finir vieille fille », confie Marie Kock qui se souvient de ses rêves juvéniles de princes et de princesses, d'un certain acharnement pour trouver un mec et de l'ennui, de la gêne et des déceptions dans beaucoup de ses relations. Tout en déconstruisant les préjugés qui ornent la vieille fille, elle parle des frustrations propres aux femmes mariées ou de celles qui préfèrent être en couple même si leur relation ne les épanouit pas comme elles le souhaiteraient. Ainsi brise-t-elle les injonctions sociétales (et politiques) à vouloir absolument être en couple et à fonder une famille à soi pour se réaliser.

Non seulement Marie Kock signe un ouvrage audacieux sur un sujet tabou, mais elle compose avec une déroutante aisance une forme littéraire plutôt anglo-saxonne et résolument féministe, dérivée de ce que Paul Preciado ou Maggie Nelson ont déjà désigné sous le terme « autotheory ». L'autrice se situe (géographiquement, financièrement, sexuellement...), précise l'endroit d'où elle parle. Partant de son expérience quotidienne, de son vécu, de son intimité, établissant des liens pertinents − ou bien laissant le lecteur les faire lui-même − entre ses souvenirs, ses anecdotes, ses traumatismes, ses relations amicales, professionnelles ou amoureuses, Marie Kock rend audible la proposition théorique et le discours analytique qu'elle en extrait, précisément parce que, loin de se cacher derrière la théorie, elle opte pour la transparence sur sa propre situation.