La fin d’une polémique. Après avoir envisagé un report, le Marché de la Poésie organisé par l’association Circé a confirmé ce samedi 8 juin son intention de recevoir la poésie palestinienne en 2025. « Une communication précipitée, maladroite et malencontreuse a laissé penser que nous renoncions à recevoir la poésie palestinienne » a indiqué Jean-Michel Place, éditeur et cocréateur de l’évènement, dans un communiqué.
Le poète Abdellatif Laâbi tire la sonnette d'alarme
C’est la divulgation d’un échange de mails qui met le feu aux poudres. Le 1ᵉʳ juin, l’écrivain et poète marocain Abdellatif Laâbi partage sur sa page Facebook des messages qui lui ont été adressés par Yves Boudier et Vincent Gimeno-Pons. Dans le premier, qui date de 2022, le président de l’association et son délégué général proposent à l’auteur de collaborer lors de la 42ᵉ édition du Marché de la poésie autour de l’Anthologie de la poésie palestinienne d’aujourd’hui traduite par ses soins aux éditions Points.
Le second, envoyé le 30 mai 2024, formule des réserves quant à la concrétisation de ce projet : « En effet, le Marché de la Poésie se transformerait en tribune politique (et non poétique) avec des enjeux qui nous dépasseraient. Le Marché de la Poésie ne peut prendre un tel parti. » Ses expéditeurs soulignent également la quasi-impossibilité de faire se rencontrer poètes israéliens et palestiniens au regard de l'actualité, et des sources de financement pour faire venir une délégation de poètes, « de plus en plus précaires au regard des immenses besoins de ces territoires pour leur reconstruction. » Ils concluaient : « Le Conseil d’administration de notre association, dans ces conditions, préfère reporter sine die le projet. »
Suite à ces révélations, un collectif d’auteurs et de professionnels du livre indignés s’expriment dans les colonnes de Libération le 5 juin. « Dans le sillage du poète palestinien assassiné en décembre 2023 par une bombe israélienne, Refaat Alareer, “si les poètes doivent mourir“, gageons que le Marché de la Poésie doit les honorer, non les réduire au silence. » Dans le cas où le Marché de la Poésie acterait cette décision, ils exigent que leurs œuvres soient retirées des stands. Cette riposte n'est d'autant plus ferme que des faits relativement similaires se sont produits à la Foire de Francfort 2023. La manifestation, qui s'était ouverte au lendemain des attentats du 7 octobre, avait suscité l'ire du monde de l'édition arabophone en annonçant le report de la remise d'un prix à la romancière palestinienne Adania Shibli.
Le Marché de la Poésie formule deux réponses
Un appel au boycott se répand, et le 4 juin, le Marché adresse la polémique une première fois dans une lettre ouverte à Abdellatif Laâbi diffusée sur les réseaux sociaux. « Notre message du jeudi 30 mai ne signifie pas que nous annulons l’invitation faite à la poésie palestinienne, précise l’association Circé, mais que nous pensons raisonnable de la reporter à une période plus propice. Nous n’avons pas choisi de substituer à notre invitation un autre pays, l’accueil des poètes palestiniens reste donc ouvert. » C’est finalement le maintien qui est confirmé quelques jours plus tard.
« Je me réjouis personnellement de ce retour à la raison et au respect de la parole donnée » a commenté Abdellatif Laâbi. Le poète a proposé la création d’un comité restreint en amont de l’évènement pour accompagner les préparatifs de l’édition 2025. D’ici là, le Marché de la Poésie revient du mercredi 19 au dimanche 23 juin 2024 Place Saint-Sulpice (Paris) et fera la part belle à la poésie grecque.
