L'un, Stéphane Hénaut, breton, est fromager. L'autre, son épouse, Jeni Mitchell, est américaine et historienne. Ils vivent à Nantes, et sont les parents d'un petit Jules. Afin de plaire à sa « belle étrangère », et, aussi, de lui expliquer son pays, Stéphane Hénaut a eu l'idée de raconter, des origines (les Gaulois) presque jusqu'à nos jours (l'après-guerre de 39-45, avec des passages plus contemporains), l'histoire de France vue des cuisines. En partant des fromages, sa spécialité, accompagnés des vins, du châteauneuf-du-pape au pape-clément, au dom-pérignon, au veuve-clicquot-ponsardin, le tout participe de la cuisine, appelle des plats, lesquels sont toujours conditionnés par un terroir, une géographie, et une identité. Un mot mis à toutes les sauces aujourd'hui et qui, affirme à plusieurs reprises Stéphane Hénaut, lequel a une dent contre les nationalistes et autres fachos, ne doit jamais être récupéré à des fins néfastes.

Leur livre se fait un plaisir de rappeler tous les apports des étrangers, envahisseurs ou émigrés, à notre patrimoine culinaire : depuis la vigne, implantée par les Romains (mais le tonneau, lui, est invention gauloise), jusqu'au couscous, l'un des plats préférés des Français, attesté à Toulon dès 1630, mais qui a connu son véritable essor au XIX^e siècle, suite à la colonisation du Maghreb par la France. Au passage, Hénaut ne se prive pas de stigmatiser le colonialisme, le commerce triangulaire et l'esclavage. Quant à Jeni Mitchell, on lui doit, surtout vers la fin, des chapitres plus historiques, où elle n'hésite pas à mettre son grain de sel américain : à propos, par exemple, d'un soda au cola dont l'introduction dans l'Hexagone ne s'est pas faite sans peine (notre pays, d'ailleurs, demeure un modeste consommateur de ladite boisson), ou d'une chaîne de malbouffe, laquelle, hélas, a bien mieux réussi son implantation, se parant aujourd'hui des plumes du local, de la traçabilité et du 100 % made in France. Le tout s'achève, de la part du couple, par un hymne à l'harmonie franco-américaine qu'un certain président devrait méditer.

Tout cela est savoureux, érudit, plein d'anecdotes et de bonnes intentions, et l'on sort de cette table rassasié et moins bête qu'auparavant.