Les éditeurs de manga ne s’y trompent plus : en une dizaine d’années, les spin-offs sont devenus une tendance incontournable de leurs catalogues. Les mastodontes comme One Piece, Dragon Ball ou Naruto disposent tous d’adaptations qui explorent un personnage ou un pan particulier de leur univers original.
Rien que cette année, des séries dérivées se sont lancées pour Les Chevaliers du Zodiaque (Kurokawa), My Hero Academia (Ki-Oon), Détective Conan (Kana), Ken le Survivant (Crunchyroll) et d’autres encore. « Le phénomène vient des studios d’animations, qui proposent des épisodes dérivés pour faire patienter les fans, puis récemment tout s’est multiplié dans l’édition », résume Pascal Lafine, directeur éditorial de Delcourt/Tonkam.
Pour faire patienter ses lecteurs passionnés de JoJo's Bizarre Adventure, ce dernier fera paraître le 30 août, Crazy D Volume 1. Un spin-off pour attendre la sortie française du chapitre 9 de la saga originale, JOJOLands, actuellement prépublié dans le magazine japonais Ultra Jump. L'éditeur, qui se décrit comme un « puriste », refuse de publier à la légère : « un spin-off raté abîme l’image de la série originale, il est donc crucial de maintenir une qualité et cohérence avec l'œuvre originale ».
Lire : « Weekly Shōnen Jump », la source aux mangas
Un cas d’école : L’Attaque des Titans
Pour Pascal Lafine, une licence est devenu un cas d'école, en raison de la qualité et du nombre de spin-off publiés : L’Attaque des Titans (Pika). Près de deux ans après la fin de la saga, une édition colossale de Before the Fall est en cours de publication. Ce préquel propose de découvrir l'origine de l'apparition des titans, trente ans après la construction de la cité forteresse. « Il s’agit d’un complément scénaristique, une partie manquante à l’histoire originale », estime le directeur éditorial de Pika, Mehdi Benrabah.
Dans cet univers titanesque, d'autres proposent d’étendre la licence originale en se concentrant sur ses personnages charismatiques. En témoigne Birth of Livaï qui revient, en deux tomes, sur le passé d’un des personnages le plus captivant de la saga. Un succès auprès des lecteurs : le premier volume édité en 2015 s’est vendu à près de 75 000 exemplaires, tandis que sa version couleur sortie en 2018 s’est écoulée à environ 60 000 copies.
En avril, Pika réitère la formule en proposant un focus sur Seishirô Nagi, personnage populaire du manga Blue Lock avec Episode Nagi Volume 1. « Nous avons la volonté de surfer sur le succès de la licence, et dont les ventes préforment grâce au lancement récent de l’anime », explique Mehdi Benrabah. L’éditeur a été conforté dans sa décision par l’annonce d’une adaptation en film de ce spin-off.
Une affaire de marketing… ou pas
Avantage de ces séries dérivées : les éditeurs ne subissent pas la même concurrence féroce que pour l’achat d’une oeuvre originale. Celui qui possède la série originale obtient les droits de la dérivée. Mais comment font-ils leur marché ? « Est-ce que l’histoire est intéressante ? L’univers est-il solide ? Est-ce adapté au public français ? S'agit-il juste d’un produit dérivé ? », se demande toujours Pascal Lafine. Gantz:E a trouvé les bonnes réponses à ces questions. La série dérivée de Gantz est en cours de publication depuis 2021 chez Delcourt/Tonkam. Loin d’être un simple goodie, un objet publicitaire, ce spin-off offre une intrigue complémentaire à l’histoire originale.
« Pour les fans de manga, les goodies sont très importants car ils permettent d’apprécier tout l’univers d’une licence », soutient pour sa part Mehdi Benrabah.
Un avis partagé par Satoko Inaba chez Glénat : « Nous pouvons considérer les séries dérivées comme des goodies, un outil pour les passionnés ». Au sein de sa maison d’édition, la directrice éditoriale propose une dizaine de spin offs comme celle autour du cuisinier de One Piece, Sanji’s Food Wars. Les aventures du pirate au chapeau de paille continuent d’inspirer de multiples adaptations. « Lorsqu'une série rencontre du succès, nous explorons les possibilités pour l'étendre », commente Satoko Inaba. Le choix est large : art ou characters book, colors book, œuvres originales…
L’un des derniers en date est centré sur le frère du héros Luffy : One Piece episode A. Vol 1 Ace, signé par le célèbre mangaka de Dr Stone, Boichi. Le premier volume publié en février s’est déjà écoulé à près de 65 000 exemplaires, tandis qu'un second est attendu pour l’automne. « Boichi dispose de sa propre communauté de fans et pourrait, contrairement aux spin-offs de manière générale, attirer des nouveaux lecteurs vers la saga », espère même la directrice éditoriale. Avant, peut-être un jour, qu'un spin off finisse par complètement voler la vedette à sa série d'origine...