Dans une vie antérieure, Jagat Ananda Pradyumna Kumar Mahanandia, alias PK ou Pikej, n’a pas dû très bien se conduire, puisqu’il est né (en 1949) avec de sérieux handicaps : il est le fils d’un intouchable et d’une "tribale" à la peau particulièrement sombre, dans une famille très modeste de l’Orissa, l’un des Etats les plus pauvres de l’Inde, au sud-est, frontalier avec le Bengale. Mais il est vrai que, puisqu’il est un dalit, un paria hors caste, aux yeux des brahmanes qui dictent la loi dans le pays et le méprisent, lui et ses semblables, il n’a pas droit à la réincarnation. Alors, Pikej va faire avec ce qu’il a, l’amour des siens, sa profonde gentillesse qui lui assure la bienveillance immédiate de ceux qu’il rencontre (sauf les brahmanes les plus bornés, comme son maître d’école), et, surtout, sa formidable énergie, capable de triompher de tous les obstacles. Il est vrai aussi que, tout gosse, une prophétie lui a prédit qu’il épouserait une femme blanche et blonde, donc pas une Indienne.
En dépit de la ségrégation et des humiliations dont il est victime, Pikej, qui se révèle doué pour le dessin, parvient à "monter" à Delhi pour suivre les cours des beaux-arts, tout en survivant dans la rue grâce à ses portraits au fusain. On est dans les années 1970, il côtoie, dans sa bohème, un certain nombre de hippies occidentaux en route vers Katmandou et ses paradis artificiels. C’est ainsi que, le 17 décembre 1975, il fait la connaissance de Lotta, une Suédoise baba cool avec qui se nouent vite des liens forts, d’amitié puis d’amour. Réciproque, puisque la jeune fille accepte d’accompagner son ami chez lui en Orissa, afin qu’il reçoive la bénédiction de son père. Les voilà quasi fiancés. Mais Lotta reprend son voyage, puis rentre chez elle. Ils s’écrivent, mais Delhi et Boras, où elle vit, c’est vraiment très loin.
Pikej, qui, grâce à son talent, est presque devenu une vedette, aidé matériellement par le gouvernement d’Indira Gandhi, n’a cependant qu’une idée en tête : rejoindre l’amour de sa vie, et l’épouser. Pour y parvenir, il devra accomplir, à vélo, en train, en stop, une folle odyssée de 7 000 km via l’Afghanistan, l’Iran, la Turquie, puis l’Autriche. Enfin, après des tribulations dont il se sort toujours grâce à sa gentillesse et à sa chance, il parvient à Boras, le 28 août 1977. Désormais, il fera toute sa vie en Suède, parfaitement intégré, mais ses enfants, Emelie et Karl-Siddhartha, le rapprocheront de ses origines et de son pays.
Happy end, bien sûr, pour ce conte de fées original, drôle, tendre et social, magistralement mené, parfait pour une adaptation bollywoodienne.
J.-C. P.