13 novembre > Histoire Grèce

C’est un document stupéfiant. L’homme qui s’exprime a perdu l’usage de ses yeux et de ses doigts. Atteint par la lèpre, il parle au micro d’un magnétophone. Nous sommes en 1972, mais Epaminondas Remoundakis (1914-1978) évoque un îlot au nord de la Crète, Spinalonga. Au début du XXe siècle, après le départ des Ottomans, le territoire passe sous contrôle britannique avant d’être rattaché à la Grèce en 1913. Le 13 octobre 1904, soixante lépreux débarquent à Spinalonga désertée par ses derniers habitants. Jusque dans les années 1950, l’île va servir d’internement systématique à des centaines de malades qui vivaient jusqu’alors aux abords des villes.

Cet enregistrement constitue l’essentiel du livre. Il est complété par un utile rappel historique de Maurice Born sur la maladie et la manière dont furent traitées les victimes. Dans les premiers chapitres, Remoundakis raconte son enfance au village, les us et coutumes, la pêche, etc., avec une saveur anthropologique façon "Terre humaine." Puis c’est l’université à Athènes, la découverte qu’il est atteint de la maladie de Hansen, autrement dit la lèpre, et l’arrestation. Le récit s’engage alors dans une vie d’angoisse, de douleur et de tristesse. Remoundakis est envoyé en 1936, à Spinalonga où il tente d’améliorer la condition des malades livrés à eux-mêmes et que la société ne veut plus voir.

En 2005, l’histoire de cette léproserie inspira un best-seller américain, The island, signé Victoria Hislop (L’île des oubliés, Les Escales, 2012, Le Livre de poche, 2013), donnant lieu à une série télévisée grecque qui fit accourir les touristes sur l’île. Mais pour se faire une idée de la réalité de ce "rocher de l’horreur et de la honte", il vaut mieux lire ce témoignage bouleversant. L.L.

Les dernières
actualités