Au fil du temps, le procès de Socrate est devenu celui de la démocratie athénienne. L’événement a fini par représenter la liberté d’expression fauchée par l’intolérance. Qu’en fut-il réellement ? Paulin Ismard examine les faits sous tous ses aspects. Pourquoi le philosophe est-il entré en dissidence et pourquoi la cité s’est-elle montrée intransigeante au point de le condamner à mort ? Maître de conférences en histoire grecque à l’université Paris-1 Panthéon-Sorbonne, Paulin Ismard, qui a travaillé avec Daniel Cordier pour son livre De l’Histoire à l’histoire (Gallimard, 2013), retrouve donc ici son domaine de prédilection.
Avec concision, il examine le procès de 399 avant J.-C., sa postérité et comment le philosophe provocateur au visage de satyre est devenu un citoyen modèle, puis une figure du persécuté chez Diderot, Rousseau et les romantiques allemands. Erasme et Montaigne avaient quant à eux émis un doute sur cette lecture un peu trop religieuse à leur goût. La littérature chrétienne a en effet réécrit à sa façon cette affaire qui intervient à la fin de la guerre du Péloponnèse, et l’islam aussi a mis en avant un Socrate musulman comme avocat du monothéisme contre les idoles.
Toutes ces interprétations ont ôté à cet épisode son contexte en brouillant les responsabilités. Paulin Ismard reprend le dossier avec une belle énergie pour montrer que le procès qui opposait Socrate à Mélétos pour impiété et corruption de la jeunesse il y a plus de deux millénaires a toujours beaucoup à nous dire aujourd’hui, notamment sur l’idée que la démocratie se construit aussi avec ceux qui la contestent, et que la pensée grecque n’est pas une antiquité dès qu’on interroge le politique.
L. L.