5 novembre > Essai France

De quelques amoureux des livres que la littérature fascinait, qui aspiraient à devenir écrivain mais en furent empêchés par diverses raisons qui tenaient aux circonstances, au siècle de leur naissance, à leur caractère, faiblesse, orgueil, lâcheté, mollesse, bravoure, ou bien encore au hasard qui de la vie fait son jouet & entre les mains duquel nous ne sommes que de menues créatures, vulnérables & chagrines.

Ineffable plaisir des contrastes : le livre le plus court de Philippe Claudel est sans doute destiné à demeurer celui ayant le plus long titre. Le plus court, mais aussi, ainsi qu’on laissera chacun en juger à la lecture de son intitulé, le plus drôle et sans aucun doute l’un des plus audacieux. De quoi est-il question dans ce recueil d’autant de petites et délicieuses fugues ? Du livre, bien sûr, et du terrifiant souci de se croire tenu à en écrire. D’aucuns, mauvaises langues sans doute, prétendent qu’il y aurait en France plus d’apprentis écrivains que de lecteurs. De quelques amoureux des livres… dresse de ces rendez-vous ratés, ou au moins différés, avec la littérature le plus sombre et spirituel des tableaux. En montreur d’ombres, en M. Loyal sarcastique (et adepte d’un understatement tout britannique), Philippe Claudel se régale et nous avec lui. La petite centaine d’échecs qu’il égrène avec délice l’amène à rôder sur des terrains où l’on n’attendait pas le respectable juré Goncourt, auteur des Ames grises (Stock, 2003) ou du Rapport de Brodeck (Stock, 2007) : du côté de Vila-Matas ou plus sûrement encore de celui de Félix Fénéon et de l’inspirateur essentiel de ce volume, Borges. On saura donc gré à la maison Finitude d’avoir su, par le soin apporté à son édition, contribuer à ce que ce petit livre de fables morales devienne, à n’en pas douter, de chevet. Olivier Mony

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