« Aujourd’hui, la guerre est incessante et acharnée. Personne ne conquiert plus personne. » Comment dès lors donner un sens à tout cela?? Jeune quadra, Lea Carpenter est la fille d’un ancien espion de l’Army Intelligence. Ce héros de la Seconde Guerre mondiale a notamment œuvré en Chine. Une information qu’elle ne découvre qu’à sa mort. Cela ne peut qu’éveiller son imagination… La scénariste se tourne vers le roman pour questionner la place de l’armée, de la guerre et de l’héroïsme dans nos sociétés.
D’une grande dignité, Sara refuse de s’écrouler quand elle apprend que son fils, Jason, est porté disparu en Afghanistan. Ne pas savoir, espérer son retour, redouter le pire, tel est devenu le quotidien de cette mère célibataire. « Elle ne sait plus exactement ce qui remplit ses journées, à part l’attente. » Des moments interminables, propices à revisiter le passé. Elle se revoit en jeune stagiaire de la CIA, rencontrant un homme mystérieux, David. Cette fille de hippies « était tombée amoureuse d’un rêveur et avait donné naissance à un rêveur ». La réalité prend toutefois le dessus. David est souvent absent et meurt brusquement sans laisser de traces.
Il a pourtant eu le temps d’imprégner l’esprit de son fils. « Ne demandez pas ce que votre pays peut faire pour vous, mais ce que vous pouvez faire pour votre pays. » Au fil des pages, on suit l’évolution de ce message. « La définition du succès à la guerre telle que la connaît la génération de Jason est la prévention de carnages futurs, le confinement de la terreur. » Aussi le garçon s’engage-t-il dans le SEAL, une unité spéciale. L’entraînement le confronte à ses limites, physiques et psychiques, les plus profondes. Les lettres, qu’il écrit fidèlement à sa mère, reflètent la philosophie de ce « Guerrier intérieur ».
Sara « a passé des années à faire son éducation, mais à présent c’est lui qui fait la sienne ». Et celle du lecteur. Le génie de Lea Carpenter consiste à dresser un parallèle entre ses réflexions, sur les batailles à mener, et la façon de parcourir l’existence. Le mental de son héroïne résulte d’un mélange de fermeté, d’émotivité et de remise en question. « La maternité n’est pas une guerre. Tu serais prête à mourir pour ton fils?? Bien sûr », rétorque Sara en ne sachant pas ce qu’il est devenu. Est-il tombé aux mains d’un ennemi sans visage?? L’Amérique se croit toute-puissante, mais ses hommes ne sont pas invincibles.
« Le courage n’est pas l’absence de peur. » Sara en est la preuve. D’une force et d’une pudeur incroyables, elle nous arrache une larme, tant elle ne désarme pas son envie de croire en la vie. Avec ce premier roman, Lea Carpenter s’impose clairement comme une nouvelle voix américaine à suivre. Son talent n’a pas échappé à l’univers cinématographique, puisqu’une adaptation est en cours. Nous devons tous affronter des luttes, mais essayons juste de les traverser. « Ne jouons pas aux héros. »
Onze jours - Traduit de l’anglais (États-Unis) par Anatole Pons
Gallmeister
Tirage: 7 000 ex.
Prix: 22 euros ; 272 p.
ISBN: 978-2-35178-164-7