Grand Prix des Bibliothèques 2025

[Les bibliothécaires de l'année 2025] Françoise Rousseau-Hans, la négociatrice (4/5)

Françoise Rousseau-Hans - Photo Françoise Rousseau-Hans

[Les bibliothécaires de l'année 2025] Françoise Rousseau-Hans, la négociatrice (4/5)

Ils incarnent la diversité et le dynamisme du métier de bibliothécaire. La rédaction de Livres Hebdo a sélectionné cinq professionnels pour lesquels les lecteurs sont invités à voter jusqu’au 27 septembre. Quatrième portrait de la semaine : Françoise Rousseau-Hans, coordinatrice du consortium Couperin, fine observatrice de l’évolution des négociations avec les éditeurs de revues scientifiques.

J’achète l’article 1.5 €

Par Fanny Guyomard
Créé le 10.09.2025 à 15h03

Après son doctorat en biologie moléculaire, Françoise Rousseau-Hans a choisi la culture scientifique au sens large : la mettre à disposition en rédigeant des fiches et en gérant les abonnements aux articles auprès des éditeurs pour le compte des étudiants, chercheurs, professeurs du Commissariat à l’énergie atomique, où elle officie depuis plus de trente ans.

Un travail complété depuis dix ans par son implication dans Couperin, le consortium de bibliothèques de l’enseignement supérieur et de la recherche qui négocie chaque année environ 130 contrats avec les éditeurs. Les négociateurs sont des bibliothécaires volontaires, et Françoise Rousseau-Hans coordonne tout ce bataillon.


Elle se souvient de ce premier bras de fer avec les éditeurs : le passage des revues papier au dématérialisé. « Et je pense qu’on s’est bien fait rouler dans la farine ! Ils nous tenaient ce discours : si vous voulez des fichiers numériques, il nous faut plus d’argent temporairement pour numériser les anciennes publications », se remémore la négociatrice, en parallèle d’une autre bataille : l’arrivée de l’abonnement non plus titre par titre, mais à des collections de revues, « ce qui augmente l’offre documentaire mais ne permet plus de relier directement le vrai besoin à la dépense financière ».

Ne plus payer pour les articles publiés par nos propres scientifiques

Il arrive aussi que l’éditeur ajoute des revues à ce bouquet tout fait puis augmente son prix, « même si les nouvelles revues ne sont pas utiles à vos chercheurs ! Il faut donc arriver à estimer la vraie valeur, c’est un vrai challenge ». Ou, après l’échec d’âpres négociations par le consortium Couperin, à se désabonner de tout le bouquet.

Restent de petites victoires, enfin du gagnant-gagnant : la négociation à l’échelle nationale avec le mastodonte Elsevier, qui a consenti une baisse de prix de 15 % sur cinq ans. La force du collectif a donc montré ses avantages. Mais a aussi ses inconvénients : des bibliothèques qui ne voulaient pas s’abonner ont été incluses dans l’accord, pour que la France pèse de tout son poids face à l’éditeur.

Des bibliothèques qui auraient souhaité boycotter des pratiques perverses consistant à leur faire payer l’accès à des articles rédigés par leurs propres chercheurs rémunérés par l’État. Lesquels paient l’éditeur pour se faire publier dans la revue payante. La nouvelle bataille de Françoise Rousseau-Hans et de Couperin, donc : avoir accès aux publications des chercheurs abonnés sans surcoût.

Sensibiliser les chercheurs à leurs droits... et à l'IA

Elle est ainsi une fervente partisane de la science ouverte. « On travaille beaucoup à promouvoir la publication en accès ouvert, on explique aux chercheurs les différents modèles, les licences afin qu’ils évitent celles pour lesquelles les éditeurs leur demandent une cession exclusive de leurs droits… »

Mais nouveau problème : la montée en puissance des intelligences artificielles génératives. « Elles ne s’embarrassent pas de savoir s’il y a un droit d’auteur. Et il y a beaucoup de challengers : entre ChatGPT, Mistral, les éditeurs qui s’y mettent avec les Gafam », observe la négociatrice.

Peine perdue ? Cette cheville ouvrière conclut de sa voix déterminée : « Les bibliothèques ont un grand rôle d’accompagnement, de sensibilisation à la source de la donnée, de garde-fous sur les négociations, et de partage de l’information. C’est leur force remarquable, à l’ADBU, Couperin », loue-t-elle. En digne représentante de cette devise : l’union fait la force.

 

Comment voter pour le bibliothécaire de l'année 2025

Les dernières
actualités