Le phénoménal succès de l’ouvrage de Valérie Trierweiler a suscité, et continue de susciter, des réactions livresques, de Nicolas Bedos à Laurent Gerra, aux conséquences juridiques non négligeables.
Nicolas Bedos a annoncé, début octobre et sur France 2, sous forme d’un très long canular, qu’il avait une liaison avec l’ex-Première Dame et allait publier sa propre autobiographie.
Rappelons que la Déclaration universelle de 1948, prise en son article 12, indique que « nul ne sera l’objet d’immixtions arbitraires dans sa vie privée, sa famille, son domicile ou sa correspondance, ni d’atteintes à son honneur et à sa réputation », à l’instar des dispositions contenues dans la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme. La convention de New York du 26 janvier 1990 sur les droits de l’enfant prône également en son article 16 le refus des « immixtions arbitraires » dans la vie privée.
Parallèlement, plusieurs textes assurent, en droit interne, le respect de la vie privée.
L’article 9 du Code civil dispose notamment : « Chacun a droit au respect de sa vie privée. Les juges peuvent, sans préjudice de la réparation du dommage subi, prescrire toutes mesures, telles que séquestre, saisie et autres, propres à empêcher ou faire cesser une atteinte à l’intimité de la vie privée; ces mesures peuvent, s’il y a urgence, être ordonnées en référé. »
La vie privée recouvre les situations les plus variées. Il peut s’agir aussi bien d’informations sur la vie sentimentale, sur la sexualité, sur l’état de santé, sur la maternité, sur les convictions religieuses ou politiques, sur les liens entre les personnes, sur l’identité sexuelle (en cas de changement de sexe), etc. En réalité, cette notion de vie privée est laissée à l’appréciation du juge et varie grandement selon les sujets examinés. Il est communément admis que les personnages publics ont une sphère de vie privée particulièrement restreinte… Mais un livre comme celui que Nicolas Bedos claironnait vouloir écrire s ‘inscrit en droite ligne de la jurisprudence sur l’atteinte à la vie privée.
Le respect de la vie privée concerne en effet aussi bien les personnalités que le simple quidam. Et un éditeur ne doit pas oublier que les autobiographies représentent un risque non négligeable. Les tiers y sont en effet régulièrement exposés à une publicité parfois non souhaitée. Les ex-conjoints se montrent souvent tout spécialement vindicatifs.
Par ailleurs, il n’existe cependant aucune définition juridique de l’humour : les textes en vigueur en matière de droit de l'information n'y font aucunement référence. En pur droit, il ne s'agit donc en aucun cas d'une « excuse » véritable aux poursuites exercées sur le fondement de l’atteinte à la vie privée.
Il existe cependant une tolérance traditionnelle de la jurisprudence au profit d'une sorte de « droit à l’humour », en particulier dans le cadre de la vie politique. Ce qui ramènerait peu ou prou la condamnation de Nicolas Bedos à l’euro symbolique.
Quant à Merci pour ce prédisent, le livre que Laurent Gerra va réellement publier chez Michel Lafon en février prochain, il nécessite de se pencher sur la catégorie juridique du pastiche. Le risque est réel, car la loi et la jurisprudence opèrent des distinctions aussi complexes que précises. L’article L.122-5 du Code de la Propriété Intellectuelle (CPI) dispose que « lorsque l'oeuvre a été divulguée, l'auteur ne peut interdire : (...) la parodie, le pastiche et la caricature, compte tenu des lois du genre ». Mais les tribunaux ont déterminé précisément les « lois du genre », qui sont donc des limites au-delà desquelles n’est plus reconnue l’exception de parodie.
La parodie se doit en premier lieu d’être exempte de toute intention de nuire. Il s’agit là d’un exercice difficile quand le ressort même de ce type d’humour repose sur un certain degré de méchanceté.
Le « consommateur » doit par surcroît pouvoir identifier la parodie en tant que telle et donc être en mesure de la différencier instantanément de l’œuvre première. Aucune possibilité de confusion dans l’esprit du public n’est tolérée. Des différences grossières pour des professionnels de la création peuvent se révéler insuffisantes aux yeux des juges et du consommateur moyen.
Comme toutes les exceptions à un principe juridique - en l’occurrence le monopole d’exploitation accordé à l’auteur d’une œuvre originale -, la parodie, le pastiche ou la caricature sont interprétés restrictivement par les juridictions, au détriment des situations ambiguës, des cas un peu « limite ».
Las, il ne faut pas confondre caricature d’une œuvre et caricature d’une personnalité. La caricature d’un personnage public est en général seulement tolérée, ce qui rend l’exercice juridiquement périlleux.
Les livres, annoncés ou livrés, de Nicolas Bedos et Laurent Gerra seraient donc des cas vraiment intéressants, non pas littérairement, en cas de procès de la part de Valérie Trierweiler comme du Chef de l’Etat.