Vitali Ziusko, éditeur russe de Matin brun, est porté disparu depuis le 3 mars, a fait savoir mardi 15 mars Franck Pavloff, l'auteur de ce long-seller sur le fascisme, à Livres Hebdo. Fondateur de KompasGuide, maison d'édition russe basée à Moscou, Vitali Ziusko a disparu des radars peu après avoir envoyé une lettre à ses auteurs où il dénonçait la guerre en Ukraine.
"Nous apportons notre soutien à l’Ukraine et au peuple ukrainien, peut-on lire sur la lettre, traduite en français. Nous demandons la fin de cette guerre sans délai.(...) La guerre est à l’encontre des valeurs pacifistes humanistes et démocratiques fondamentales que nous défendons depuis 2008. J’ai créé KompasGuide avec l’idée que les livres peuvent être un pont entre les peuples, et l’humain a toujours été au cœur de ma réflexion éditoriale. Les textes publiés chez KompasGuide parlent honnêtement aux enfants et adolescents de leur passé, de leur présent et de leur futur, abordant tous les sujets, même les plus difficiles."
"Un homme d'une honnêteté rare"
Outre Matin brun, rappelle encore Vitali Ziusko dans sa lettre, la maison d'édition a publié en 2012 "un roman réaliste sur le conflit entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan" (Les Photossouvenirs de Maria Martirossova) mais aussi "Vovka chevauche la bombe qui nous raconte l’histoire de deux amis ukrainiens séparés par la mort pendant la guerre de Crimée de 2014, et Le Coup du scorpion, celle d’un adolescent ukrainien qui va perdre son père et sa jambe dans un bombardement."
Depuis l'envoi de cette lettre, Vitali Ziusko n'a plus donné de nouvelles. Le pouvoir russe a récemment fait voter plusieurs lois prévoyant de lourdes peines pouvant aller jusqu'à 15 ans de prison pour la diffusion de ce que les autorités considèrent comme de "fausses informations" sur l'armée. La simple utilisation du mot "guerre" par des médias ou des particuliers pour décrire l'intervention russe en Ukraine est passible de poursuites.
De son côté, Franck Pavloff se dit "effaré" par cette disparition. "J'ai rencontré Vitali en 2012, au moment de la parution de Matin brun en Russie, raconte-t-il. Je me souviens du déterminisme de ce quarantenaire qui n'hésitait pas à organiser des rencontres à l'arrière des cafés, en petit comité. Un homme d'une honnêteté rare qui s'est toujours battu pour publier des livres sur des sujets sensibles en Russie, comme l'homosexualité".
