David Foster Wallace possède aujourd’hui une popularité auprès des écrivains et des critiques étrangers similaire à celle de Roberto Bolaño. Ce prosateur atypique, qui mesurait un mètre quatre-vingt-trois pour cent kilos, s’est suicidé par pendaison en 2008 à l’âge de 46 ans. En France, Au Diable vauvert a vaillamment défendu son œuvre, de Brefs entretiens avec des hommes hideux (2005, repris chez J’ai lu) au Roi pâle (2012) en passant par La fonction du balai (2009, repris chez J’ai lu). En attendant la parution en octobre du Sujet dépressif - et surtout celle, à L’Olivier, de son opus majeur, Infinite jest -, on peut faire plus ample connaissance avec un personnage hors normes en plongeant dans le décoiffant ouvrage que lui consacre David Lipsky.
Journaliste à Rolling Stone, Lipsky avait 30 ans quand il a rencontré un Foster Wallace de quatre ans son aîné. L’écrivain terminait alors la tournée promotionnelle d’Infinite jest. Il était déjà une star aux Etats-Unis. On suivra ici au plus près un type qui chiquait du tabac, portait un bandana dans ses cheveux, jouait aux échecs, appréciait les "films avec des explosions". Cinq jours d’affilée, Lipsky n’a pas lâché son sujet d’une semelle. Lequel lui parle sans détour de son rapport à l’alcool et aux drogues, de sa crise de la quarantaine à 27 ans, de ses obsessions successives pour Melanie Griffith et Alanis Morissette, de son complexe d’infériorité vis-à-vis de William T. Vollmann, de ses erreurs et de ses envies.
Le résultat donne un livre à la fois sidérant, passionnant et vivifiant. A lire d’urgence, qu’on soit ou non familier du travail de David Foster Wallace. Al. F.