Guillaume Jan, né breton, est un voyageur dans l’âme. Dès l’enfance, il a compris "qu’il ne fallait pas croire tout ce que disaient les adultes. Question de survie". Pour (sur)vivre, donc, il est devenu grand reporter professionnel, un aventurier en tongs à qui il arrive les trucs les plus invraisemblables, mais qui s’en tire toujours avec une équanimité qui force le respect. Il possède aussi l’art du griot. Nul mieux que lui ne sait raconter ses histoires, entraîner le lecteur dans ses (maigres) bagages.
Après Le baobab de Stanley (François Bourin, 2009) et Le cartographe (Intervalles, 2011), Guillaume Jan nous convie en République démocratique du Congo - l’ex-Congo belge mis en coupe réglée par le roi Léopold II, l’ex-Zaïre pillé par le délirant Mobutu -, sa patrie d’élection. Surtout depuis que, chez les Pygmées d’Oshwé, à 110 kilomètres à pied de Kinshasa, la capitale, il a épousé Belange, une princesse bantoue, au terme de péripéties loufoques et tendres dont le récit constitue une bonne moitié de son livre. L’autre étant consacrée à la reconstitution de la trajectoire de David Livingstone, missionnaire écossais antiesclavagiste, illuminé et explorateur calamiteux, qui mourut sur le terrain en 1873. Si seulement, après que le journaliste américain Stanley, lancé à sa recherche, l’eut retrouvé ("Dr Livingstone, I presume ?") et secouru, il était rentré chez lui ! Mais il a persisté dans son délire grandiose, qui fascine Guillaume Jan.
Le travel-writer français raconte cette épopée, l’entremêlant avec la sienne, et celle du peuple congolais, formidablement vivant malgré l’exploitation, la misère noire qui lui ont toujours été imposées, alors que son pays est l’un des plus riches du monde. Tout cela nous vaut un roman hélicoïdal, plein d’humour et de fraternité. Rencontre d’un Mundélé ("Blanc", en lingala) et d’un Muzungu ("Blanc", en swahili), Traîne-savane est le livre le plus abouti de Guillaume Jan. Son plus intime aussi. Outre son conte de fées avec Belange, désormais mère de sa fille Lili, l’auteur revient sur son enfance, sur ses nombreux périples. "J’ai envie de voyager comme on a envie de faire l’amour", confie-t-il à un moment.
Guillaume Jan n’a qu’un défaut, il est trop modeste : "Je n’ai qu’un talent, écrit-il encore, c’est celui de savoir m’émerveiller, devant les autres et devant les paysages." Mais il en possède un autre : c’est l’un des plus brillants écrivains de son genre et de sa génération.
J.-C. P.