Le héros de l’intrigant premier roman de Saskia de Rothschild est né dans un petit avion blanc au-dessus de l’Atlantique et du golfe de Guinée, à l’orée des années 1980. Epouse d’un pharmacien de nature prudente, la mère du bébé prénommé Jean-Charles se trouvait sur le siège 38C du vol AF22 et abrégeait des vacances à Rio pour se rendre au chevet d’une grand-tante malade.
Nous savons que, très jeune, Jean-Charles Erable a excellé aux échecs et qu’il a assisté à l’âge de 7 ans à l’humiliation de son père par des gendarmes qui l’avaient arrêté pour "excès de lenteur". Après avoir fait Polytechnique, il a choisi d’entrer dans une compagnie d’assurances. Celui qui a le besoin de contrôler et d’observer a fomenté un plan. Afin de l’aider à le mettre en place, il a élu un certain Thomas Berger, inconsolable de la mort, cinq ans plus tôt, de sa femme et de sa fille tombées d’un brise-glace.
Comment déjouer le hasard et le destin ? se demande Erable. A Berger, qu’il veut prendre pour associé, il lance : "Mon idée est de contrôler le hasard pour essayer de rendre les gens heureux… tout en leur donnant l’illusion que rien ni personne à part l’aléatoire n’est responsable de leur joie." Son projet, il l’a appelé Fortuna. En n’envisageant rien de moins que de créer "une matrice mondiale qui écrirait aussi l’histoire intégrale de la planète, sous son égide"…
Journaliste à l’International New York Times née en 1987, Saskia de Rothschild se montre ici une jeune débutante à l’efficacité narrative redoutable. Fable sur l’illusion et le mensonge, sur la poursuite du bonheur, Erable s’impose comme l’une des vraies découvertes de la rentrée de janvier. Al. F.