Si les livres, neufs ou anciens, se vendent moins bien, ils se volent toujours autant. A l’automne dernier, un retraité du Havre a été arrêté pour avoir dérobé plus de 2 000 livres anciens. La perquisition de son domicile a permis la découverte de 700 ouvrages et plusieurs milliers de gravures. La valeur des vols commis pourrait atteindre le million d’euros. L’intéressé écumait les librairies ainsi que les expositions préalables aux ventes aux enchères en province, mais aussi à Lyon, Paris et en Belgique. Il a été démasqué à Amiens, au début d’une vente publique par une de ses victimes… en l’occurrence le commissaire-priseur. Peu avant, c’est un exemplaire de l’ Hispania damiani a goes equitis lusitani publié en 1542 par Damiao de Gois, Portugais ami d’Erasme, qui a été subtilisé durant… la Foire de Francfort. Estimé à 18 500 euros, l’opuscule était exposé sur le stand de la maison néerlandaise spécialisée Asher Rare Books Quelques années en amont, des vols de cartes et de plans découpés dans les éditions du XVIIe siècle d'un ouvrage de John Speed (le plus fameux des cartographes anglais), A Prospect of the Famous Parts of the World, ont été attribués à un Britannique, Melvin Perry. Ce dernier a été condamné à une peine de prison par un tribunal d'Helsinki, ville où il avait également sévi, de même qu’au Danemark, à La Haye, Stockholm et Londres, où il découpait au cutter des cartes tirées d’anciens ouvrages de géographie pour les revendre Mais l'homme a disparu (à son tour, en quelque sorte !) après la décision de justice... D'autres voleurs entretiennent d'étranges relations avec les livres. Avant d'être surpris en flagrant délit, un homme avait réussi, jusqu'à son arrestation en mars 2003, à dérober 468 documents autographes. Il espérait pouvoir reconstituer, preuves à l'appui, les faits d'armes d'un de ses glorieux aïeux, lieutenant général du royaume de Naples et aide de camp du prince Murat. Ce sont les articles 311-1 et suivants qui traitent du vol au sein du Code pénal. Lorsqu’il est dit « simple », « le vol est puni de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende ». Les peines maximales encourues augmentent très vite selon les circonstances aggravantes. C’est ainsi que le voleur peut être puni de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende lorsque son méfait « est commis par plusieurs personnes agissant en qualité d'auteur ou de complice, sans qu'elles constituent une bande organisée » ou encore « lorsqu'il est commis dans un local d'habitation ou dans un lieu utilisé ou destiné à l'entrepôt de fonds, valeurs, marchandises ou matériels, en pénétrant dans les lieux par ruse, effraction ou escalade ». Il en est de même « lorsqu'il est commis par une personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions ou de sa mission » comme « par une personne qui prend indûment la qualité d'une personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public » — ce qui correspond au cas des personnels de bibliothèques ou d’établissements culturels.. Par ailleurs, « les peines sont portées à sept ans d'emprisonnement et à 100 000 euros d'amende lorsque le vol est commis dans deux des circonstances » aggravantes et « à dix ans d'emprisonnement et à 150 000 euros d'amende lorsque le vol est commis dans trois de ces circonstances ». Enfin, « le vol est puni de sept ans d'emprisonnement et de 100 000 euros d'amende lorsqu'il porte sur (…) un objet mobilier classé ou inscrit en application des dispositions du code du patrimoine ou un document d'archives privées classé (…), un bien culturel qui relève du domaine public mobilier ou qui est exposé, conservé ou déposé, même de façon temporaire, soit dans un musée de France, une bibliothèque, une médiathèque ou un service d'archives, soit dans un lieu dépendant d'une personne publique ou d'une personne privée assurant une mission d'intérêt général, soit dans un édifice affecté au culte. » Les peines sont portées à dix ans d'emprisonnement et 150 000 euros d'amende quand cette infraction « est commise avec l'une des circonstances aggravantes ». En ce cas, « les peines d'amende mentionnées (…) peuvent être élevées jusqu'à la moitié de la valeur du bien volé ». Mais, dans la plupart des cas, les condamnations des amateurs qui gardent les exemplaires pour eux restent symboliques. Au pire, les moins chanceux sont placés en garde-à-vue quelques heures, puis condamnés à restituer ou à rembourser l'ouvrage subtilisé, tandis que « les autres sont relâchés presque systématiquement », s'est indigné, dans les années 2000, le directeur de l'Office Central de lutte contre le trafic des Biens Culturels.