24 NOVEMBRE - POLITIQUE/BEAU LIVRE France

Zvonimir Novak- Photo DR/L'ÉCHAPÉE

Zvonimir Novak, professeur d'arts appliqués, est un "stickophile ». L'auteur de Tricolores collectionne en effet depuis longtemps les autocollants politiques, de la "vignette gommée » de la fin du XIXe siècle à sa version contemporaine qui fut "l'outil majeur du militant politique de la fin du XXe siècle ». Plus largement, il s'intéresse à tous les papiers éphémères qui depuis cent trente ans ont servi la propagande politique. Car, pour notre chasseur-décrypteur d'images, tracts, mais aussi bordereaux, bons de commande et autres bulletins électoraux constituent "des véritables trésors graphiques souvent oubliés » qu'il traque aussi bien dans les caves, greniers et marchés aux puces que dans les archives officielles. C'est l'intérêt majeur de ce livre riche de 800 reproductions : offrir une matière diversifiée qui s'aventure bien au-delà de la seule affiche politique, déjà souvent traitée. L'autre originalité de ce beau livre étant évidemment son sujet puisque l'historien iconographe se penche sur les outils de propagande des droites françaises, et de l'extrême droite en particulier, dont il souligne l'"activisme visuel".

Du boulangisme, premier national-populisme qui sera un "formidable producteur d'images, pensées par des hommes de presse", au gaullisme en passant par le Front national et les partis de la droite conservatrice ou libérale, Novak, tout en dressant un panorama très complet (un tableau en fin d'ouvrage replace ces formations dans le temps et sur un échiquier politique), raconte notamment l'évolution des signes vers l'abstraction, le coq, la fleur de lys et le drapeau tricolore cédant la place dans l'entre-deux-guerres au svastika ou à la croix celtique.

C'est le sixième titre d'une collection baptisée "Action graphique" qui se penche sur la création non marchande, sur cette esthétique de combat, cette "lutte des signes » qui caractérise la communication politique. D'ailleurs, les formations politiques semblent n'avoir jamais été plus créatives que lorsqu'elles étaient dans la contestation, dans l'affrontement, comme en témoignent dans les années 1930 les joutes graphiques antibolchevisme versus antifascisme.

Le profil de l'éditeur ne laisse place à aucune ambiguïté : cette histoire visuelle n'est pas la réhabilitation idéologique d'une imagerie militante mais un décodage critique instructif pour comprendre comment se fabrique la manipulation... Et pour rendre notre regard d'"icono consommateur » gavé plus averti.

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