Livres Hebdo : Laure Darcos, Sylvie Robert, vous présentez ensemble une loi sur les droits d’auteur au Sénat, quel en sont les buts ?
Laure Darcos : Nous avons présenté au Sénat en fin de semaine dernière une proposition de loi sur le Code de la propriété intellectuelle qui n’a pas été modifiée depuis 1957. Elle est issue des recommandations de Pierre Sirinelli, de la Direction générale des médias et des industries culturelles (DGMIC) et des travaux de 2017 et 2022. Elle remet à plat le contrat de droit privé qu’est un contrat de cession de droit dans l’édition en ajoutant un minimum garanti. Le taux de ce minimum n’est pas précisé car il s’agit d’une proposition de loi et pas d’un règlement.
Sylvie Robert : Ce minimum garanti pour les auteurs est non remboursable. Mais compensable par les ventes de l’ouvrage. Nous avons également inclus dans notre proposition de loi l’édition musicale, souvent délaissée. Afin d’avoir un texte propre, nous attendons un avis du Conseil d’État quant à la conformité d’un point de vue constitutionnel et européenne car ce sont des sujets très techniques.
Quel sera le montant de ce minimum garanti ?
S.R. : Ensemble nous avons voulu équilibrer la relation contractuelle entre auteurs et éditeurs. Le minimum garanti doit être payé dès la remise du manuscrit. Le taux de ce minimum n’est pas précisé car il s’agit d’une proposition de loi et pas d’un règlement, mais il doit être accepté par les deux parties.
L.D. : Il n’y aura pas de dérogation, pour le livre scolaire par exemple, comme l’avaient souhaité les éditeurs. Même si un manuel n’est pas retenu par l’Éducation nationale, les auteurs doivent être payés. Notre texte prévoit également que les versements de droits d’auteur doivent se faire au plus tard trois mois après les deux redditions des comptes annuelles. Elle inscrit aussi dans la loi les taux progressifs. Lorsqu’un ouvrage se vend bien, le taux doit évoluer. À partir de 2 ou 3 000 exemplaires par exemple, les auteurs seront en droit de le demander, avec des bornes pratiques en fonction des usages.
« Nous n’avons pas voulu inclure la question de la rémunération sur le livre d’occasion dans la loi »
Laure Darcos, vous êtes membre du groupe Les Indépendants République et Territoires (proche d’Horizon) et ancienne cadre du groupe Hachette, alors que Sylvie Robert, membre du PS, et ancienne du Théâtre national de Bretagne, est réputée plus proche des auteurs. Pourquoi présenter cette proposition de loi ensemble ?
L.D. : Il est important que nous la présentions ensemble. Nous cherchons une ligne de crête entre les positions des auteurs et des éditeurs, y compris des éditeurs indépendants et alternatifs.
S.R. : Laure Darcos a porté une loi sur l’économie du livre et moi une loi sur les bibliothèques. Cette nouvelle loi est dans la continuité des sujets qui nous intéressent.
S’agissant du livre d’occasion, dont il est beaucoup question dans l’interprofession, votre loi prévoit-elle des droits d’auteur sur ces ouvrages ?
S.R. : La question du livre d’occasion est entrée dans le débat bien après celle des droits d’auteur. Elle n’est à ce jour stabilisée, ni politiquement, ni juridiquement.
L.D. : Nous n’avons pas voulu inclure la question de la rémunération sur le livre d’occasion dans la loi. Cela pourra faire l’objet d’un amendement gouvernemental. Mais sur quelle base ? Une TVA spécifique comme le défend la SGDL, un droit de suite qui nécessite une relecture des lois sur la propriété intellectuelle ou une chronologie des marchés ?
Quand votre loi sera-t-elle débattue au Sénat ?
L.D. : Nous visons une saisine dès avril ou mai pour une discussion en juin. Cette loi impliquera des réalignements, des réajustements logistiques notamment à opérer, mais c’est un texte en mesure de rassurer les parties.