"Dans la vie, il n’y a pas de théories." Juste des singularités, qu’on tend à effacer au profit de généralités, de statistiques ou d’algorithmes, nous réduisant à des informations souvent erronées. Le presque quadra Yoav Blum en connaît un rayon puisqu’il travaille dans la conception de logiciels. Une activité qui a stimulé ce romancier déjà auteur de trois best-sellers, dont La fabrique des coïncidences qui le lance en France.
On y suit la danse existentielle de personnages qui évoluent dans un mirage particulier. Ils ont été affectés à une tâche originale: provoquer des coïncidences dans l’existence des gens, histoire de faire bifurquer leur trajectoire. Comme le remarquait Einstein - cité en exergue - "Dieu ne joue pas aux dés avec l’univers", et pourtant l’homme est persuadé du contraire. Il ne cesse de raviver le mythe de Frankenstein, au nom du progrès ou du transhumanisme. Ainsi, Guy et Emily sont en formation pour "ajouter une touche de couleur à la réalité" d’illustres inconnus. Ils se définissent comme "des créateurs de possibles", un peu à l’image des écrivains imaginant des mondes meilleurs.
Mais qui sont vraiment ces faiseurs de miracles? Peuvent-ils défier l’oracle? Qu’en est-il de leurs propres volontés? "On pense traditionnellement que provoquer des coïncidences revient à déterminer le destin. Notre rôle est de nous situer dans l’entre-deux, de jouer au ping-pong dans le no man’s land entre le destin et le libre arbitre." C’est là que le roman joue magnifiquement au chat et à la souris avec ces deux pôles. A la fois délirant et profond, il nous entraîne dans une fable sur la quête de sens, la religion, les peurs ou la mécanique du hasard.
L’auteur soutient que "la vie découle d’un jeu de dés cosmiques que personne n’a réellement lancés, et c’est très bien ainsi". Surtout concernant le domaine amoureux. "Les frontières sont fluctuantes. La vie ne se circonscrit pas aux limites de cette table. Il existe toujours quelque chose au-delà. Toujours, toujours, toujours." C’est pourquoi Emily et Guy vont devoir apprendre à "recommencer à vivre. Chaque individu est un faiseur de coïncidences. On ne vous l’a pas enseigné ? Les gens oublient qu’ils sont libres."Kerenn Elkaïm