Le Milanais Paolo Cognetti a eu 40 ans en 2018. Pour marquer ce passage, l'écrivain, consacré avec son troisième livre beaucoup traduit, Les huit montagnes (Stock), prix Médicis étranger 2017, est parti marcher un mois dans l'Himalaya. Destination le Dolpo, une région frontière reculée au nord-ouest du Népal et au sud du « royaume perdu » du Tibet. Cette expédition très préparée comptait quarante-sept membres « animaux et hommes confondus » parmi lesquels Nicola, ami de fraîche date, peintre, l'un des neuf compagnons de voyage, venus comme l'écrivain d'Italie. Prendre de la hauteur, c'est l'une des motivations de ce trek vers des hautes vallées désertiques, sur des sentiers franchissant plusieurs cols à 5 000 mètres. Cet itinéraire s'inspire de l'aventure de Peter Matthiessen racontée dans Le léopard des neiges, le seul livre que Paolo Cognetti a emporté, paru l'année de sa naissance. Pour étudier les « bharals », les moutons bleus de l'Himalaya dont le mystérieux félin est le principal prédateur, l'écrivain américain a voyagé jusqu'à Shey, un lieu de pèlerinage, « centre spirituel du Dolpo », au pied de la Montagne de Cristal avec ses cimes interdites d'accès. Mais si Paolo Cognetti a l'ambition de « pénétrer le secret des montagnes, découvrir quelque chose d'inconnu », il n'a aucun appétit pour la performance et la conquête, l'ascension n'est pas l'enjeu. D'ailleurs, celui qui a raconté dans le formidable Garçon sauvage (Zoé, 2016, 10/18) sa retraite dans le val d'Aoste, dans une « baita » d'alpage à 2 000 mètres d'altitude, ne se voit pas comme un alpiniste, même s'il en a rêvé enfant : il souffre du mal des montagnes. « Cela faisait bien vingt ans que je n'avais plus franchi la barre des 3 000 mètres. » Sans jamais atteindre le sommet réaffirme avec la simplicité et l'absence de forfanterie, qu'on apprécie tant chez ce montagnard d'adoption, cette position d'humilité et de révérence. Plus près de celle des « boud-dhistes qui tracent des cercles au pied des montagnes », en leur tournant autour « flanc droit contre elle[s] » que des « chrétiens qui plantent des croix à leur sommet ». Conscient « d'effleurer » plutôt que de comprendre, en vertu de « la loi de la caravane », cette itinérance qui fait lever le camp chaque matin, l'écrivain laisse de nombreuses énigmes en suspens. Paolo et ses amis croiseront bien des moutons bleus. Quant au léopard des neiges... Véronique Rossignol
Sans jamais atteindre le sommet : voyage dans l’Himalaya - Traduit de l’italien par Anita Rochedy
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Tirage: 18 000 ex.
Prix: 17,50 euros ; 164 p.
ISBN: 9782234087545