Garth Risk Hallberg n’a pas toujours été un grand romancier. Avant, il était juste écrivain et l’un des plus prometteurs qui soient parmi ses congénères américains. Avant, c’est-à-dire avant que la parution de City on fire (Plon, 2016), dernier avatar repéré à ce jour du "big american novel", ne le transforme en "it boy" à l’usage prioritaire des magazines sur papier glacé. Aussi Plon est-il bien avisé de publier aujourd’hui ce Vie et mœurs des familles d’Amérique du Nord, son livre précédent, qui au fond en est quelque chose comme l’avers absolu et permet de mieux comprendre la virtuosité de Risk Hallberg, et surtout qu’il est autre chose, bien autre chose, qu’un romancier post-naturaliste.
Soit deux familles, les Hungate et les Harrison, qui coexistent dans une banlieue résidentielle de New York, comme sortie d’une nouvelle d’Updike. La mort du père de famille des Harrison va bousculer la quiétude trompeuse des deux clans et faciliter le surgissement de monstruosités qui n’étaient qu’assoupies. Jusque-là, rien que de très courant au royaume du deuil, mais ce qui fait le prix de ce livre, c’est sa conception même, abécédaire qui peut être lu au fil de n’importe laquelle des soixante-trois entrées qui le composent et illustré très joliment par des artistes choisis par Hallberg, ayant accepté de se prêter au jeu. Car c’est bien d’un jeu qu’il s’agit, d’une vraie élégance, dans lequel en quelque sorte le romancier prévient qu’il sera inutile de trop prendre au sérieux le naturalisme de ses livres à venir. Olivier Mony