7 avril > Roman France > Martin Page

A 25 ans, Martin Page publiait son premier roman, Comment je suis devenu stupide (Le Dilettante, 2001), sur un jeune gars surdiplômé mais totalement inadapté qui a décidé de se convertir aux vertus de l’idiotie. Quinze ans plus tard, le protagoniste de son nouveau roman, L’art de revenir à la vie, est un écrivain de 40 ans du nom de "Martin Page" qui ne semble guère plus aguerri au quotidien. Le quadra confesse sa grisaille existentielle : "On est un survivant en sursis et il n’y aura jamais rien de mieux que cet état de fragilité, parce que le contraire de la fragilité ce n’est pas la force, c’est la mort." Le narrateur et alter ego du romancier a quitté Paris pour la campagne bruxelloise il y a quatre ans avec sa compagne, Coline, dont il vient d’avoir un fils, Cyrus. Loin de la fureur de la capitale, l’auteur est désormais tranquille mais atteint du syndrome de la page blanche : il n’arrive pas à avancer sur le roman sur son père. Un projet d’adaptation cinématographique le sauve de l’angoissant writer’s block. Sanaa Okaria de Spectrorama, la prestigieuse "prod" parisienne, souhaite le rencontrer pour qu’il écrive un scénario à partir de l’un de ses livres, et son meilleur ami, Joachim, lui prête son appartement. Il remarque chez l’artiste une sculpture aux allures de sarcophage. Joachim lui a dit qu’elle s’intitulait "La machine à remonter le temps", en expliquant que "la science nous promet des voyages dans le temps depuis des décennies, mais rien ne vient. C’est à l’art de reprendre les choses." L’angoissé a toujours de bonnes raisons d’angoisser, voilà que ce scénario censé pallier son manque d’inspiration se révèle un travail de défiguration de l’œuvre originelle. Quant à la battante productrice, elle est légèrement dépressive. Martin, fatigué, s’allonge dans l’œuvre-canapé et rencontre un garçon de 12 ans, qui n’est autre que lui-même.

Dans ce roman fantastique où se mêlent prosaïsme du quotidien (la chaudière en panne, la phobie de l’intello précaire) et poésie des interstices (cette nature qui pousse entre les pavés, ce ciel qu’on oublie trop souvent de regarder), l’auteur de Manuel d’écriture et de survie (Seuil, 2014) rappelle à tout écrivain que jamais on ne doit renoncer à ce que l’on fut, trahir l’adolescent en soi. Publier n’empêche pas de s’encroûter, en revanche écrire est toujours "une victoire sur l’entropie". S. J. R.

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