La fin nous est livrée dès le début. Nour et Domitille, deux lycéennes amies depuis l’enfance, vont, depuis le toit d’un immeuble, s’élancer dans le vide. Thomas Gilbert saisit le temps de leur chute pour expliquer sur 160 pages le pourquoi du comment. Cadrages précis, couleurs crues, flashy, jetées comme dans l’urgence, le jeune dessinateur - il est né en 1983 - d’Oklahoma boy (Vide Cocagne) et de Bjorn le morphir (Casterman-L’Ecole des loisirs) plonge dans les affres d’une jeunesse emportée dans une spirale autodestructrice.
Filles des beaux quartiers, Domitille et Nour ne manquent de rien, sinon d’être aimées et de trouver leur place. La mère de la première est morte précocement, la laissant avec un père coureur et absent. Les parents de la seconde forment un couple dysfonctionnel, qui la rend tout aussi seule face aux défis de l’adolescence. Les deux filles s’accrochent chacune l’une à l’autre comme à une bouée de sauvetage, jusqu’à devenir toxiques l’une pour l’autre. Ensemble, elles se jettent dans la quête de l’amour et du bonheur, à corps perdu ; à la vie, à la mort.
Fêtes et soirées en boîte, alcools, drogues, sexe… Tels sont les cadres et les moyens d’un parcours de météorites par lequel les deux filles espèrent tout mais n’obtiennent rien. Domitille et Nour sont trop isolées dans leur huis clos relationnel, trop enfermées dans leurs névroses pour parvenir à s’extraire du bolide qui les emmène dans le mur à pleine vitesse. Thomas Gilbert parvient à faire toucher au plus près la pulsion de mort qui imprègne la fulgurance adolescente.
Fabrice Piault