Après ses débuts remarqués au Dilettante en 2003, avec 10 ans 3/4, Fred Paronuzzi s’est consacré à la littérature pour la jeunesse, à la BD, et à des albums. On l’avait un peu perdu de vue depuis son dernier roman, La lettre de Flora (Robert Laffont, 2007). Son retour n’en est que meilleur. Drôle d’endroit pour de la neige est un livre d’un charme fou, une parenthèse enchantée dans la vie d’une femme et de ses enfants, quelque part au bout du monde, parmi des gens chaleureux, accueillants, ouverts. Le tout raconté dans un style élégant, léger, feutré comme cette neige inattendue qui, la dernière nuit, vient conclure ce joli conte moderne.
La narratrice, dont on ignorera le prénom, est une jeune femme, mère de deux enfants, Louise et Jules, deux chouettes gamins sans histoires. Elle est bibliothécaire à Belleville, tandis que son mari mène sa carrière de financier. C’est même ce qui les a éloignés. Elle ne retrouve plus en lui le garçon qui l’avait séduite. Et puis, il a une maîtresse. Aussi, ce soir-là, alors qu’elle est venue assister à son triomphe, à sa promotion comme numéro deux de son entreprise, elle s’ennuie ferme, revit dans sa tête des épisodes de leur jeunesse et se rend compte que sa vie de "femme de" ne fait plus sens pour elle. Le divorce est inévitable. De retour chez elle, elle décide de partir avec les enfants, pour quelques jours, dans une maison bretonne louée via Internet. Afin de se retrouver, de se ressourcer. Et cela va aller bien au-delà de ses espérances.
Le propriétaire est sympa, la maison rustique, un peu déglinguée, mais "quasiment les pieds dans l’eau", et les voisins exceptionnels: le vieil Alberto, un ancien galeriste italien qui perd un peu la boule, et son compagnon Pierre, qui a abandonné son métier de paysagiste, les accueillent comme s’ils faisaient partie de la famille. Apéro, au cours duquel elle se raconte comme jamais, mise en confiance. Et puis il y a ce dîner avec Dimitri, le fils que Pierre a eu avec Mich, une Africaine, prof de danse pour handicapés. Dimitri, funambule de profession, est métis, jeune et d’une beauté à couper le souffle. Les enfants l’adorent déjà. S’ensuivra une nuit d’amour, passionnée, inoubliable. Puis un matin câlin, et un adieu sans tristesse: Dimitri part pour la Chine.
On ne se reverra pas, mais la narratrice, qui a retrouvé l’estime de soi et le désir de plaire, a toute la vie devant elle. J.-C. P.