Le livre de l’année du très prolifique Douglas Kennedy n’est, cette fois, pas un roman, mais un ouvrage assez inclassable. Lui parle de "Mémoires philosophiques", ce qui peut sembler un peu rébarbatif. En fait, il s’agit soit d’un recueil de souvenirs, personnels voire intimes, qui ont déjà plus ou moins irrigué son œuvre, soit d’histoires racontées ou vécues par des gens de sa connaissance, qu’il utilise ici et réutilisera peut-être ailleurs un jour. "Comme tout romancier, explique Kennedy, je puise une grande part de mon matériau romanesque dans la vie des autres." Certes, mais il est aussi largement "[lui]-même la matière de [son] œuvre", comme disait Montaigne. Une fois ces histoires racontées, qui mettent en scène une belle collection de losers, de divorcés, de suicidaires, d’alcooliques ou de psychopathes - l’un n’excluant pas l’autre -, il essaie, en effet, de leur donner une portée d’intérêt général, d’en tirer des leçons "philosophiques", en tout cas de sagesse. Et quand ça ne marche pas, quand le Weltschmerz est vraiment trop lourd à porter (ses épouvantables parents, son douloureux divorce, la maladie de son fils chéri, Max), il ne reste que le whisky et un bon cigare. Et l’écriture, bien sûr, sans quoi la folie le guetterait.
Les "grandes questions" de Kennedy sont au nombre de sept. Elles ont trait au bonheur et au malheur, au pardon, à la recherche de l’équilibre… Chaque lecteur s’y reconnaîtra et y trouvera, peut-être, du réconfort. J.-C. P.