La Commission statuant sur le domaine de la copie privée numérique, qui concerne depuis quelques années les éditeurs, vient d’étendre l’application de la rémunération à l’iPad et autres tablettes. Il existe aujourd’hui plus de 70 modèles de tablettes numériques de par le monde et Apple annonce pour la fin du mois la sortie en France de la deuxième version de son fameux iPad. C’est pourquoi, le 12 janvier dernier, la Commission a élargi le champ des supports soumis à redevance et modifié le tableau des rémunérations, dont les nouveaux barèmes sont entrés en vigueur le 1er février. Les cartes mémoires vendues avec tout appareil d’enregistrement sont aussi désormais visées. Rappelons que l’article L. 122-5 du Code de la propriété intellectuelle exclut d’interdire “les copies ou reproductions strictement réservées à l‘usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective” . Et la définition du “copiste” a suscité une jurisprudence abondante. Le copiste serait, selon les tribunaux, le propriétaire de l’appareil de reproduction, utilisant son propre exemplaire pour son propre usage… Ce type de copie privée existe donc de moins en moins. En pratique, le fichier concerné provient d’un tiers plus ou moins bien intentionné. Or, il est matériellement impossible de procéder à un contrôle véritable de toutes les machines, des photocopieuses aux tablettes. Pour remédier à cette situation, il a été inclus dès la loi de finances pour 1976 une taxe sur la reprographie, fixée à 3 %, perçue sur les appareils de reprographie fabriqués ou importés en France. Les recettes de cette taxe sont versées au Centre national du livre et servent à financer les commandes des bibliothèques. De plus, la loi du 3 janvier 1995, relative à la gestion collective du droit de reproduction par reprographie, a facilité la montée en puissance du Centre français du droit de copie. Mais les nouvelles technologies dépassent de loin ce pillage “traditionnel”. Les titulaires de droits sur les œuvres musicales et audiovisuelles ont depuis longtemps compris – pour ne pas dire vécu – le danger. La loi du 3 juillet 1985 a donc prévu la mise en place d’un système de compensation à la “copie privée” illicite en leur faveur. Les sociétés de gestion collective de ces secteurs culturels ont, les premières, perçu une rémunération compensant les copies privées réalisées à l’aide de supports analogiques tels que les cassettes vidéo ou audio. En pratique, il s’agit d’un forfait dont s’acquittent les fabricants et importateurs de supports vierges. Une commission ad hoc a été chargée par le législateur de déterminer notamment les supports “taxables”. La Commission a étendu le 10 juin 2003 ce champ de perception au numérique, en commençant par les DVD... Dans une décision en date du 6 juin 2005, elle a indiqué qu’elle entendait “poursuivre les études et analyses complémentaires lui permettant, en tenant compte de l’évolution des technologies, des matériels, des usages de consommation, des pratiques d’enregistrement et de copie privée, de procéder, le cas échéant, à la révision de ses décisions antérieures, à l’intégration de nouveaux bénéficiaires de la rémunération, ou à l’élection de nouveaux types de supports d’enregistrement” . C’est ainsi qu’après plusieurs étapes, consistant souvent à suivre le mouvement plus qu’à l’anticiper, les différentes innovations les plus consommatrices de copies numériques sont devenues taxables. Cette manne, appelée à fortement grossir, n’exclut plus les auteurs et les éditeurs de l’écrit, depuis bientôt une décennie – en vertu de la loi du 17 juillet 2001 qui a modifié le Code de la propriété intellectuelle. Pour mémoire (pas nécessairement en carte...), les éditeurs doivent viser dans leurs contrats le droit sur la “copie privée numérique” . C’est seulement au prix d’un tel aménagement contractuel qu’ils peuvent percevoir les sommes, qui ne feront qu’augmenter, émanant d’une “taxation” des téléchargements de textes protégés…