On avait laissé Tanguy Viel avec Paris-Brest (Minuit, 2009, ressort dans la collection « Double »), son meilleur roman jusqu'ici. L'auteur de L'absolue perfection du crime (Minuit 2001, repris dans la collection « Double ») a pris son temps et a soigné son retour. Ladisparition de Jim Sullivan, son nouveau livre, s'ouvre sur les réflexions d'un écrivain qui est peut-être, ou peut-être pas, Tanguy Viel. Celui-ci s'est aperçu qu'il lisait de plus en plus de romans américains et moins de français. Qu'il avait tendance à se concentrer sur ce qu'il nomme « le roman international ».
« Pendant longtemps, j'ai moi-même écrit des livres qui se passaient en France, avec des histoires françaises et des personnages français. Mais ces dernières années, c'est vrai, j'ai fini par me dire que j'étais arrivé au bout de quelque chose, qu'après tout, mes histoires, elles auraient aussi leur place ailleurs, par exemple en Amérique, par exemple dans une cabane au bord d'un grand lac ou bien dans un motel sur l'autoroute 75, n'importe où pourvu que quelque chose se mette à bouger », explique-il. Une carte des Etats-Unis punaisée dans son bureau l'amène à se transporter vers Detroit, Michigan. Une ville « remplie d'asphalte et de métal rouillé ». Une ville parfaite pour placer le décor d'un roman. Un roman dont le héros serait Dwayne Koster. Un professeur de littérature à l'université d'Ann Arbor. Un type de 50 ans, divorcé de Susan (beauté aux grands yeux noirs embrassée pour la première fois à un concert d'Iggy Pop en 1977) et père de deux enfants. Dwayne, le voici au volant d'une Dodge Coronet blanche de 1969. Où il écoute les chansons magnifiques de Jim Sullivan.
Comment, vous ne connaissez pas Jim Sullivan ? Un chanteur bien réel (dont le label Light in the Attic a réédité le chef-d'oeuvre UFO), qui a disparu dans des conditions « si étranges » à presque 40 ans dans le désert du Nouveau-Mexique. Un matin de mars 1975, il est parti de San Diego après avoir embrassé sa femme et son fils. « On a bien retrouvé sa voiture en bordure du désert, mais on n'a jamais retrouvé son corps, ni non plus aucune trace d'une lutte ou d'une présence, seulement sa Coccinelle garée là, quelque part près de Santa Rosa, vitres et portes closes, sans le moindre choc ni effraction », nous précise l'écrivain et narrateur.
Lequel indique qu'il n'aime pas trop les descriptions, les flash-back, mais qu'il lui faut s'adapter. Faire des fiches, envisager des possibilités, des développements. Dans son roman, il convoque d'autres personnages. Tels Alex Dennis, qui joue au poker avec un Dwayne qui le déteste. Lee Matthews, son oncle par alliance, aux activités troubles. Ou encore Milly Hartway, avec son chemisier blanc et sa jupe noire, à la fois serveuse dans une cafétéria et étudiante de Dwayne, et qui prononce si joliment le nom de William Faulkner.
En toile de fond, outre des motels et des bars, la guerre en Irak aura son rôle à jouer dans l'intrigue. Sans compter le suspense, le mystère et une rencontre inattendue. L'ensemble composant pas à pas le très réussi opus américain du Brestois Tanguy Viel qui se renouvelle avec talent.
