ENFIN ! Wall street dans l’impasse, le CAC (40) au bord du krach, les banques font la manche, tous les indicateurs sont au noir. Super, on va bien s’amuser !... Dansons, chantons, rions ! Si les dépressions disparaissent en temps de guerre, je parie que la crise qui s’ouvre va être fraîche et joyeuse. Une raison ? Une seule : Ma-m-Mia . Je vois vos yeux en bille de loto qui se demandent ce qui me prend. Eh bien je le répète haut et fort : allez voir Mamma Mia , film en pastelcolor, avec toutes les chansons d’Abba et une Merryl Streep déchaînée. Un chef d’œuvre marketing : ce film tombe à pic. Comme d’autres tristes sires, sans la crise, je n’aurais pas osé entrer dans un cinéma affichant une telle bluette, limite daube. Mais mes copines bloggeuses s’enflammaient, grimpant sur leurs fauteuils comme autant de Dancing queen . Alors le col de l’imperméable haut relevé, la casquette bien enfoncée et les lunettes noires, j’ai acheté ma place en marmonnant le titre du film au guichet. Je ne l’ai pas regretté. Un tourbillon d’images de vacances grecques, de plaisirs simples, de joie acidulée. Aussitôt vos pieds reprennent leur liberté, vous susucrez les chansons du groupe suédois (qui a déjà été à l’origine de deux super films australiens, Muriel et Priscilla folle du désert ). Un tel film qui fait un tabac actuellement annonce d’autres bonnes nouvelles. Petites robes moulées . J’aime bien lire le Monde au lendemain des défilés de mode. Beuve-Méry doit sourire là-haut sur Sirius quand il voit en « une » de son quotidien une photo couleur d’Alexander McQueen (Dancing Alexander !) déguisé en Bugs Bunny au milieu de ses modèles arborant « ses petites robes moulées plutôt gaies ». Le défilé de Karl pour Chanel ? « Pêchu ! » Et les robes Mickey de Castelbajac, l’ami des Papes. Moulées, pêchu, Mickey, « La mode, comme antidote à la crise ». Médaillés ! A Pékin, l’or avait manqué. Mais la France se rattrape. Jeudi - c’est Livres Hebdo qui le dit - le Nobel de littérature pourrait échoir à JMG Le Clézio. Deux Français avaient déjà été couronnés lundi par un Nobel de médecine. Mais surtout la semaine dernière trois de nos brillants chercheurs recevaient l’IgNobel de biologie. Attribué à Harvard par de très sérieux profs qui aiment aussi rire en célébrant les recherches les plus stupides de l’année. Les trois Français ont démontré que les puces de chien sautaient plus haut que les puces de chat ! Il y a quelques années l’IgNobel d’archéologie avait été attribué à des scouts français qui, chargés de nettoyer une grotte des papiers gras laissés par les visiteurs, avaient poussé le zèle de leur BA jusqu’à nettoyer les murs de leurs dessins préhistoriques… Le boom Barbara . Samedi Barbara Constantine signait A Mélie sans mélo à L’Amandier, librairie géniale de Puteaux dont elle fut la première invitée pour Allumer le chat . Elle saute comme une puce de chien et moi aussi. Mélie s’est vendue en un mois autant que le Chat en un an ! Des libraires conquis par ce mélange de rire et d’humanité, des lecteurs qui préfère son regard malicieux sur les petits, les humbles, loin du cynisme des puissants. Voilà un autre syndrome de cette crise joyeuse. J’aime les escrocs . Même s’il m’est arrivé parfois d’être leur victime, j’aime les manières de ces aristocrates de la délinquance. A l’origine de toutes les grandes fortunes, il y a un escroc, un malin qui a sauté les étapes. Dommage que ce soit pour s’acheter une respectabilité et quelques breloques à la boutonnière. Je préfère, là encore, les petits aux grands. L’autre jour sur la passerelle qui mène au musée du Quai Branly, une jeune femme élégante, jolie, se penche devant moi - mazette quelle silhouette ! - et ramasse une alliance en or. « Is it yours ?” Non ce n’est pas à moi. Je lui propose de l’apporter à un commissariat. Elle me donne l’alliance, avec un sourire enjôleur : « You, go to the police ! » OK, je reprends mon chemin quand j’entends derrière moi : « Give me some money for a sandwich ! » Déçu, je lui rends sa bague et me hâte pour retrouver un couple d’amis. En racontant mon histoire je les vois s’ébahir. « Il nous est arrivé la même chose sur le pont d’Austerlitz ! » Faites attention aux belles étrangères qui vous offrent leurs alliances à défaut de leurs cœurs… Je n’aime pas les sucreries . Qu’est-ce que cette histoire a à voir avec la littérature ? Un instant ! Un instant ! Rencontrant un as de la grivèlerie (consommer dans un restaurant sans payer), je lui ai demandé sa méthode. « Très simple », m’a-t-il expliqué. « Il faut réserver une bonne table. Le jour-dit tu arrive en costume avec un livre. Il faut un livre avec une belle reliure. Tu commandes le meilleur, raconte au serveur que tu es venu dans ce grand restaurant pour signer une très bonne affaire dix ans, plus tôt, discute avec le sommelier de tes vins préférés. Ensuite tu savoure en lisant ton livre. Après le fromage tu commandes ton dessert en demandant où sont les toilettes ? Là, tu te lèves en posant ostensiblement ton livre ouvert. Avec sa belle reliure. Et puis tu t’en vas. Je n’aime pas les sucreries. Ni les livres reliés… » Moi c’est le contraire, je ferais un piètre escroc. Quand tout s’écroule autour de vous dansez, chantez, riez, mangez, lisez. C’est si bon la crise !